L’Institut libanais d’éducateurs (ILE) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) a organisé une table ronde autour du thème « Oser l’éducation : Éduquer, Inspirer, Accompagner », marquant également le lancement de sa campagne de recrutement auprès des jeunes « Ma Success story ». L’événement s’est déroulé en présence du Recteur de l’USJ, le Pr Salim Daccache s.j., des vice-recteurs, de la Secrétaire générale, des directeurs des services, des étudiants et des anciens de l’ILE, ainsi que de nombreuses personnalités du monde éducatif, universitaire et associatif.
Dans son mot d’accueil, M. Rock El Achy, directeur de l’ILE, a développé une réflexion approfondie sur le thème de la rencontre. S’appuyant sur la pensée de Cynthia Fleury, il a souligné qu’oser, dans le contexte éducatif, revient à faire le choix de l’engagement dans l’incertitude, en refusant l’immobilisme pour incarner une présence active au cœur du changement. Il a appelé l’assemblée à être celles et ceux qui osent penser et agir autrement, et porter l’éducation comme un acte de courage collectif.
Abordant la notion d’éduquer, M. El Achy a cité Philippe Meirieu pour qui l’éducation consiste à créer les conditions d’une liberté responsable, formant des individus capables de discernement, de choix et de contribution au bien commun. Il a exhorté les participants à devenir des bâtisseurs de libertés, des tisseurs de liens, des éveilleurs de conscience au service d’une éducation humanisante.
Concernant l’inspiration, le directeur de l’ILE a rappelé, suivant Edgar Morin, qu’il s’agit de susciter un mouvement intérieur qui donne sens à l’action, en proposant des pistes et en éveillant des consciences. Il a encouragé l’auditoire à être des sources d’élan, des visages porteurs d’espérance, capables de faire naître chez l’autre le désir de grandir.
Sur l’accompagnement, M. El Achy a repris les mots de Charles Gardou pour définir cette notion comme une présence sans substitution, reconnaissant la vulnérabilité comme une composante de la condition humaine. Il a appelé à être des présences fiables, humbles et engagées qui marchent aux côtés de l’autre sans jamais l’éclipser.
Le directeur de l’ILE a ensuite lancé un appel à l’engagement de toutes les parties prenantes, insistant sur la nécessité de continuer à soutenir les professions d’éducateur et d’orthopédagogue, en repensant ensemble la formation, en modernisant les programmes et en améliorant les conditions de stage.
S’adressant au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, M. El Achy a plaidé pour des choix politiques courageux, soulignant qu’il ne s’agit plus de déclarations d’intention mais d’actes concrets pour valoriser la formation et garantir des standards de qualité. Aux syndicats, il a rappelé leur rôle déterminant dans la valorisation des métiers éducatifs. Au Secrétariat général des écoles catholiques et aux bureaux pédagogiques, il a proposé de développer ensemble la formation continue et de bâtir des passerelles entre le monde académique et les réalités scolaires.
M. El Achy a également interpellé les institutions éducatives pour les encourager à persévérer dans leur mission en visant la qualité, les écoles pour qu’elles envoient de bons candidats et valorisent les vocations, les éducateurs en exercice pour qu’ils portent haut l’image de leur métier, et les parents pour qu’ils transmettent à leurs enfants le goût de s’engager. Enfin, aux futurs étudiants, il a lancé un message fort : « Osez devenir les acteurs du changement que vous espérez ».
Dans son intervention, le Pr Salim Daccache a souligné que dans un projet de vie cohérent et éthique, « l'exigence n'est pas seulement pédagogique, elle est profondément politique », éthique et au cœur de la mission de l'ILE qui articule de façon harmonieuse l'enseignement, la recherche et le développement de la personne. Selon lui, cette mission vise à former non seulement des professionnels compétents, mais aussi « des citoyens responsables, des acteurs de transformation sociale et des témoins d'humanité ».
Le Recteur a rappelé le contexte particulièrement difficile dans lequel évolue actuellement le système éducatif libanais, avec des écoles et des universités en souffrance, des enseignants peinant à survivre avec des moyens dérisoires et des élèves parfois « affamés ou désorientés » ayant du mal à se concentrer, à rêver ou à croire. C'est dans ce cadre, a-t-il affirmé, que « l'enseignant devient héroïque », se transformant en « un refuge, une présence, un phare », celui qui, « malgré tout, tient debout pour que d'autres puissent, un jour, se lever ».
Le Pr Daccache a rendu hommage aux jeunes enseignants formés à l'ILE et ailleurs, qui ont fait preuve d'un engagement remarquable dans les moments les plus sombres du pays, comme après l'explosion du port de Beyrouth ou lors des derniers conflits. Il a cité en exemple ces éducateurs « retournés dans leur classe malgré les blessures, malgré la peur » pour écouter et consoler leurs élèves, ou encore cette étudiante qui, dans une école de montagne sans électricité, « a fabriqué ses propres outils pédagogiques », démontrant que l'apprentissage dépend avant tout « de l'attention, du lien et de la créativité ».
Pour le Recteur de l'USJ, ces « gestes modestes » constituent en réalité « des actes de grandeur », une forme de « résistance douce mais tenace » qui prouve que l'éducation reste, même dans la douleur, « un choix de vie, un engagement envers l'autre, une promesse d'avenir ». Il a tenu à saluer le travail remarquable de toute l'équipe de l'ILE, formateurs, chercheurs et superviseurs de stage qui, par leur accompagnement exigeant et bienveillant, permettent à chaque promotion de devenir « une nouvelle génération d'éducateurs éclairés, engagés ».
Concluant son intervention par un message aux futurs enseignants, le Pr Daccache a déclaré : « Vous avez choisi un métier qui demande tout de vous, mais c'est un métier qui rend tout possible. Tenez bon. Apprenez, doutez, criez, tombez et relevez-vous, le pays a besoin de vous ».
La table ronde, modérée par Mme Najat Malhamé, a abordé cinq thématiques fondamentales :
Mme Carole Lteif, représentante du Syndicat des enseignants au COS-ILE, a insisté sur l'engagement des enseignants comme « levier indispensable pour l'épanouissement des élèves », soulignant leur rôle crucial dans la réussite éducative.
Mme Asma Azar, présidente du Syndicat des orthopédagogues au Liban, a développé la notion d'accompagnement, expliquant comment l'orthopédagogue contribue à « assurer un apprentissage équitable pour tous » les élèves.
Sur la question de l'inclusion, Mme Hilda Khoury, directrice du conseil et de l'orientation au ministère de l'Éducation et de l’Enseignement supérieur, a rappelé qu'il s'agissait d'un « droit fondamental », présentant la vision et les actions concrètes du Ministère en la matière.
Mme Fadia Safi, PDG de Sesobel, a, quant à elle, mis en lumière l'importance de la collaboration pour créer « un environnement équitable et adapté » aux apprenants à besoins particuliers, détaillant le rôle des équipes interdisciplinaires.
Enfin, le R.P. Youssef Nasr, Secrétaire général des écoles catholiques et privées, a clos les interventions en abordant l'intégrité et « l'éducation aux valeurs » comme fondements pour former « un apprenant engagé et conscient ».
L'ILE a clôturé sa table ronde par une intervention remarquée de M. Rock El Achy, consacrée à l'avenir de l'éducation et aux enjeux de qualification professionnelle.
Le directeur de l'ILE a présenté six piliers fondamentaux du métier d'éducateur : engagement, intégrité, transformation, inclusion, accompagnement et collaboration. « Ces concepts ne sont pas que théoriques », a-t-il souligné, « ils constituent l'ADN même de notre approche pédagogique ». Reprenant les travaux de Philippe Meirieu, il a rappelé que « l'éducabilité est un pari éthique et politique sur chaque enfant », faisant de l'éducateur un véritable « passeur d'avenir ».
Face aux mutations sociales et éducatives, M. El Achy a insisté sur la nécessité de repenser la formation des enseignants. Citant le rapport UNESCO 2021, il a noté que « la transformation de l'éducation commence par la transformation du statut et de la formation de ses professionnels ». Il a particulièrement souligné l'importance cruciale des premières années de scolarisation, « socle fondateur de tous les apprentissages ultérieurs ».
L'ILE s'engage, selon El Achy, sur trois axes majeurs : un renforcement de la formation initiale avec de nouveaux modules, le développement de formations continues ancrées dans la réalité du terrain et la mise en œuvre de projets collaboratifs.
M. El Achy a rappelé l'engagement de l'USJ en faveur de l'accessibilité aux formations, notamment au sein de l’ILE, à travers la « Bourse Point Jaune (50-80% de réduction pour les bacheliers avec moyenne ≥14/20) et d'autres dispositifs d'aide sociale. « Former un enseignant, c'est semer un arbre dont les fruits nourriront le Liban de demain », a-t-il déclaré. Concluant sur une citation de Paulo Freire, « L'éducation change les personnes qui vont changer le monde », le directeur de l'ILE a appelé à bâtir « une communauté éducative engagée », soulignant que l'Institut, à l'aube de ses 70 ans, reste « fidèle à sa mission de former les professionnels qui feront l'école de demain ».
Dans le cadre de cette journée dédiée à l’éducation, M. Naji Boulos, consultant en marketing et communication à l’USJ, a dévoilé la nouvelle campagne de recrutement de l’ILE intitulée « Ma success story ». Cette initiative ambitieuse entend redonner ses lettres de noblesse au métier de l’éducation tout en valorisant le parcours exceptionnel de l’ILE.
À travers cette campagne, l’Institut poursuit plusieurs objectifs fondamentaux : redorer l’image souvent méconnue de la profession d’éducateur du préscolaire et du primaire, faire découvrir au grand public le domaine essentiel de l’orthopédagogie, accroître la visibilité de l’institution et affirmer sa position de leader dans la formation éducative au Liban.
Le thème « Ma success story » a été choisi pour son pouvoir évocateur. Il traduit une vérité profonde : la plus belle réussite d’un éducateur ne se mesure pas à des accomplissements personnels, mais aux parcours de ses élèves. Cette campagne célèbre ainsi ces chemins parcourus ensemble, ces trajectoires transformées par la patience, la bienveillance et la passion de transmettre. Elle rappelle avec force que former un éducateur, c’est permettre mille réussites humaines et créer un réseau de succès collectifs et durables.
M. Boulos a précisé que cette campagne prendra son essor principalement sur les réseaux sociaux de l’USJ et de l’ILE à travers des affiches et des vidéos percutantes. Cependant, son véritable impact reposera sur la mobilisation des écoles partenaires, acteurs clés dans la diffusion de ce message inspirant auprès des jeunes en quête de vocation.
Cette campagne s’inscrit dans la droite ligne des valeurs portées par l’ILE depuis près de 70 ans : l’excellence académique au service de l’humain, la transmission comme acte fondateur et la conviction profonde que l’éducation reste le plus puissant levier de transformation sociale.
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