Quand le discours d’investiture de Joseph Aoun devient un sujet d’examen de droit à l’USJ

Le contenu de l'examen s'est retrouvé partagé sur les réseaux sociaux après l'épreuve.
Mardi 21 janvier 2025

L'OLJ / Par Philippe HAGE BOUTROS, le 21 janvier 2025 à 19h27

Près de deux semaines après avoir résonné dans l’esprit de nombreux Libanais, le déjà célèbre discours d’investiture de Joseph Aoun à la présidence libanaise a servi de base à un sujet d’examen de fin de semestre à l’Université Saint-Joseph (USJ) de Beyrouth.

Les étudiants en première année de droit ou de sciences politiques ont en effet eu la surprise de découvrir (ou de redécouvrir) des extraits traduits en français de la prose du nouveau chef de l’État dont l’élection a mis fin à plus de deux ans de vacance à la présidence de la République. Le sujet était assorti d’une série de six questions à tiroirs portant sur les thèmes qu’ils avaient étudiés au cours des mois précédents.

Pour faire le plein de points, les étudiants avaient ainsi trois heures pour expliquer « pourquoi le président s’est engagé à contester la validité de toute loi qui contredirait la Constitution » ; « que faut-il comprendre par la décentralisation ? » ou encore « pourquoi la souveraineté est importante ? ».

Le contenu de l'examen s'est vite retrouvé partagé sur les réseaux sociaux après l'épreuve. « Le sujet a beaucoup intéressé les étudiants. J’ai même reçu des appels de parents et d'anciens qui étaient très enthousiastes », confie à L'Orient-Le Jour Lara Karam Boustany, professeur de droit public (constitutionnel et administratif) et ancienne présidente de l’Université La Sagesse. Elle affirme avoir voulu mettre en avant un discours très singulier qui arrivait à un moment critique de l’histoire du Liban.

La doyenne de la Faculté de droit, l'ancienne ministre de la Justice Marie-Claude Najm, a appuyé la démarche. « Il n'est pas rare que nos sujets d'examen se basent sur des extraits de textes ou de discours, ou encore soient puisés dans l’actualité locale ou internationale. C'est vrai que dans ce cas, la proximité entre la date de l'élection et celle de l’épreuve, combinée à l'impact qu'ont eu les mots du nouveau chef de l'État, a davantage marqué les esprits », a-t-elle commenté, contactée par L'Orient-Le Jour.

Exception et contre-exemple

Au cours de la séance parlementaire du 9 janvier, Joseph Aoun s’est distingué par ses prises de position concernant le monopole des armes par l'État et l'indépendance de la justice, entre autres thèmes porteurs d’espoir dans un pays en crise depuis 2019 et qui a vécu pendant 15 mois dans la zone d’impact des affrontements entre Israël et le Hezbollah. « Le programme de droit constitutionnel en première année de droit porte sur les notions d’État, de souveraineté, de conformité de la loi à la constitution, autant de concepts importants qui ont été évoqués dans le discours du président », a souligné Marie-Claude Najm.

« C’est un discours qui a touché nos cœurs et nos esprits. Les Libanais ont retrouvé ce qu’ils voulaient entendre dans ce contexte difficile, même s'il faut être patient et réaliste pour voir la suite donnée à ces engagements », ajoute-t-elle. « En tout cas, la construction d’un État digne de ce nom est le fruit d’un travail collectif qui concerne tous les citoyens », a-t-elle ajouté.

Pour Lara Karam Boustany, ces paroles ont donné l’occasion aux étudiants d’aborder des thèmes dans lesquels le Liban fait habituellement office « d’exception ou de contre-exemple ». Les étudiants soumis à cet examen sauront dans deux semaines s’ils ont bien assimilé toutes ces notions en découvrant leurs notes. D’ici là, le pays aura peut-être déjà un nouveau gouvernement, formé par une autre personnalité incarnant l'esprit de réformes, le Premier ministre désigné Nawaf Salam.