L’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) a récemment été marquée par un événement exceptionnel : la célébration du 150e anniversaire de la Bibliothèque Orientale (BO), un pilier du savoir et de la recherche académique au Liban et dans le monde arabe. En présence du Pr Salim Daccache s.j., Recteur de l’USJ, du R.P. Provincial Michael Zammit s.j., du directeur de la BO, le Dr Joseph Rustom, des vice-recteurs, doyens, directeurs, donateurs, chercheurs et amis de la BO, cette cérémonie a été l'occasion de revenir sur l’histoire fascinante de la Bibliothèque, de souligner l’importance de ses collections et de rendre hommage à tous ceux qui ont contribué à son rayonnement.
Dans son allocution, le Dr Joseph Rustom a abordé l’histoire de la BO, qui a traversé de nombreuses épreuves au cours de son existence. De la Grande Guerre aux crises économiques et politiques qui ont secoué le Liban, la BO a toujours été un phare du savoir dans un contexte souvent difficile. Selon M. Rustom, la Bibliothèque Orientale a su non seulement survivre, mais a pu également se renforcer grâce à l’engagement sans faille de ses équipes et de ses directeurs successifs.
Il a cité les figures marquantes qui ont dirigé la Bibliothèque dans des contextes de guerre ou de crise : « Des moments de tourmente, les chercheurs, bibliothécaires et directeurs de la Bibliothèque Orientale en ont connu depuis sa création : Louis Cheikho et les dures années de la Grande Guerre, Paul Mouterde et les événements accompagnant l’indépendance, Maurice Tallon et la crise de 1958, Martin McDermott et les 15 longues années de la guerre civile durant lesquelles la Bibliothèque se retrouvera sur la ligne de démarcation, Lévon Nordiguian et Micheline Bittar et la terrible crise économique de 2019 et l’explosion du port en 2020 et aujourd’hui la barbarie de la guerre qui ressurgit. »
Ces événements marquants, tout comme les crises successives qui ont secoué le Liban, témoignent de la résilience de la BO et de son rôle essentiel dans la préservation du patrimoine culturel et scientifique de la région. Mais pour M. Rustom, la force de la BO réside dans sa capacité à transformer ces épreuves en opportunités de renouveau.
« Mais ce que la BO a connu également, ce sont des hommes et des femmes qui ont vu dans la recherche - de son exercice solitaire, à sa discussion avec leurs pairs, à sa diffusion auprès du grand public - un véritable combat », a-t-il déclaré.
En outre, le Dr Rustom a insisté sur la nécessité pour la BO de continuer à être un espace de recherche ouvert et inclusif où la collaboration entre chercheurs de diverses disciplines est encouragée. Selon lui, la BO doit se renouveler sans cesse pour rester un lieu vivant et dynamique du savoir, accessible à tous les chercheurs, qu’ils soient expérimentés ou débutants.
« La BO doit tout simplement faire de la bibliothèque un droit », a-t-il souligné, évoquant la nécessité de rendre l’accès aux ressources de la BO facilité pour un large public. Il a également appelé à une plus grande diversification des formes de production de connaissances. « La BO, affirme Rustom, doit aussi contribuer à la diversification des formes de production de savoirs en insistant sur le fait que cette production n’est pas l’apanage d’une caste et que la production académique du savoir n’a jamais été et ne sera jamais la seule forme de production des savoirs. »
Il a aussi réaffirmé l’engagement de la BO dans l'amélioration continue de ses services : « La BO s’investira davantage dans la numérisation en donnant du sens à cet acte, un sens qui ne se définit qu’à travers les attentes d’usagers et de communautés d’usagers. » Enfin, il a réitéré l’importance de la Bibliothèque en tant que lieu de rencontre, d’échange et de collaboration pour les chercheurs du monde entier : « la BO s’investira davantage dans la conservation de ses collections, non pour les garder comme des trésors mais toujours pour pouvoir les mettre à la disposition des chercheurs ; et doit offrir les espaces physiques et virtuels, pour que les chercheurs puissent “faire communauté” à travers des processus collaboratifs et inclusifs. »
Le Pr Salim Daccache s.j. a pris la parole pour souligner l’importance historique de la Bibliothèque Orientale, non seulement pour l'USJ, mais aussi pour le Liban et la région tout entière. Dans son discours, il a rendu hommage à l’héritage de la BO qui fête un siècle et demi de transmission du savoir et de préservation du patrimoine intellectuel.
« Célébrer un siècle et demi d’histoire, un siècle et demi d’érudition, un siècle et demi de transmission du savoir et de combat pour sauver ce patrimoine constitué de tant de précieux documents, d’ouvrages anciens et nouveaux, d’une photothèque bien garnie de plus de 300 000 clichés et verres de tous les âges, d’une bibliothèque de plusieurs milliers de manuscrits et de cartes géographiques, de collections inédites de journaux et de revues et une sous-bibliothèque arménienne », a-t-il déclaré.
Le Recteur de l'USJ a également évoqué l’évolution de la Bibliothèque, qui est passée d'un simple lieu de collecte d'ouvrages orientaux à une véritable institution culturelle et académique. Il a rappelé que, dès ses débuts, sous l'impulsion du Père Alexandre Bourquenoud au Séminaire de Ghazir en 1875, la BO a été un centre de savoir respecté, et que cette tradition d'excellence a été maintenue au fil des décennies.
« Le Liban a eu le bonheur de voir grandir sur son sol ce qui n’était d’abord qu’un lieu de collecte d’ouvrages orientalistes et théologiques pour devenir le fleuron unique qu’aucune institution universitaire ou autre ne peut lui ravir », a-t-il ajouté.
Le Pr Daccache a également salué les contributions des différents directeurs successifs de la BO. Il a souligné que chaque directeur a été une source précieuse d’enrichissement des collections de la Bibliothèque : « Chacun d’eux fut une source généreuse de dizaines et de centaines d’ouvrages qui ont nourri ce fonds presque éternel. »
Il a également mis en lumière le rôle unique de la photothèque de la BO, qui contient des milliers de clichés pris par des jésuites, témoignant de l’histoire du Liban et du Moyen-Orient. « La photothèque, restaurée et enrichie, occupe une place unique en son sein. Ce fonds exceptionnel rassemble des milliers de clichés pris par des jésuites, documentant l'histoire du Liban, de la Syrie et du Moyen-Orient, enrichi par de nouvelles collections », a-t-il souligné.
Le Pr Daccache a également salué le soutien apporté à la BO par des donateurs et des institutions internationales, qui ont permis à la Bibliothèque de continuer à préserver et à enrichir son patrimoine. Après l’explosion du port de Beyrouth en 2020, des institutions, telles que la Fondation Boghossian, la Qatar Foundation, et L’Œuvre d’Orient, ont joué un rôle clé dans la préservation du patrimoine de la BO.
Enfin, il a souligné l’importance de la BO dans le rayonnement intellectuel du Liban et son rôle dans le développement culturel et académique du pays. « La Bibliothèque a joué un rôle clé dans le développement culturel et intellectuel du Liban, en tant que lieu de rencontre pour les intellectuels, espace de réflexion et de débat, et moteur de diffusion des idées nouvelles. Elle a formé des générations de chercheurs et préservé le patrimoine culturel. »
La cérémonie a été l’occasion de lancer plusieurs projets importants, dont la signature du contrat d’acquisition du fonds photographique Levon Nordiguian, qui a permis d’ajouter 63 000 nouveaux clichés à la collection de la BO. M. Gilbert Hage, photographe plasticien et conseiller de la photothèque, a également lancé la réouverture du musée de la Photographie jésuite, une initiative clé pour la préservation du patrimoine photographique.
La cérémonie a également été marquée par la projection d’un documentaire de 40 minutes intitulé La Bibliothèque Orientale : un patrimoine révélé, réalisé par Bahij Hojeij, qui a offert aux invités une plongée fascinante dans l’histoire et les trésors de la BO. La cérémonie a pris fin par la réception de l’œuvre photographique l’Étiquette Bleue offerte par M. Hage à la BO et par la visite du Musée.
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La Bibliothèque Orientale : un patrimoine révélé - المكتبة الشرقية إن حَكَت