OLJ / Par Chantal EDDÉ, le 24 octobre 2024
Le premier prix du Concours de droit international privé à Paris, dont la finale s’est déroulée dans la salle Marie-Antoinette de la Cour de cassation française, le 30 septembre, a été décerné à trois étudiants en Master de droit à l’USJ. Il s’agit de Michael Sakr, Camille Fayad et Malek el-Khalil, qui a participé uniquement à la phase écrite du concours en raison de l’annulation de son vol pour Paris, à cause de la guerre au Liban. Axé sur le traitement d’un dossier de contentieux international impliquant des conflits de juridictions et de lois, le concours a porté sur la question de la reconnaissance en France d’un jugement rendu au Liban relatif à un cas fictif. « Les équipes libanaises représentaient une société libanaise qui demandait la reconnaissance du jugement libanais en France, tandis que les équipes françaises défendaient deux sociétés ukrainiennes qui contestaient cette reconnaissance, estimant que le juge libanais n’était pas compétent et que le jugement n’était pas valide », explique la doyenne de la Faculté de droit et des sciences politiques (FDSP) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Marie-Claude Najm, qui enseigne le droit international privé.
Actuellement en deuxième année de master, les étudiants participants avaient pour objectif de rédiger des conclusions écrites en réponse aux équipes adverses, puis de plaider oralement devant le tribunal. Avant d’être sélectionnées pour la finale, les équipes libanaises ont commencé à travailler pour le concours en mai 2024. Entre recherche et rédaction, la phase écrite leur a permis de construire une argumentation convaincante, d’affiner leur raisonnement juridique, de rédiger des conclusions et de s’entraîner à plaider et à défendre leur position dans la prise de parole en public, encadrés par des coaches, anciens de la FDSP. « À leur tour, ils seront appelés les années suivantes à encadrer les équipes sélectionnées. C’est un projet qui a aussi l’intérêt de maintenir le lien entre les anciens et les étudiants actuels », note Marie-Claude Najm.
S’adressant aux étudiants en première année de master, le concours a permis aux participants de mettre en pratique les compétences acquises durant la formation de licence, comme le sens de l’argumentation, l’esprit de synthèse, l’éloquence et la force de conviction. « Pour la Faculté de droit, la victoire à ce concours témoigne de la grande qualité de la formation reçue par nos étudiants, qui a permis à l’une de nos équipes de remporter la première place face aux équipes de grandes universités parisiennes aux performances excellentes », souligne Marie-Claude Najm.
Fierté, esprit d’équipe et résilience
« Grâce au travail de rédaction, j’ai amélioré ma capacité à synthétiser mes idées et à les exprimer de manière juridique. La phase orale m’a également permis d’acquérir de solides compétences en plaidoirie, qui me seront essentielles », assure Camille Fayad. Quant à Michael Sakr, il avoue que « même si, à première vue, les circonstances d’un cas peuvent ne pas être en notre faveur, il y a toujours moyen de pousser l’adversaire à jouer sur un terrain qui nous est avantageux, en nous basant sur les quelques éléments qui nous sont bénéfiques ». Le concours a également aidé les étudiants à « se préparer aux études supérieures et à la vie professionnelle », estime Marie-Claude Najm, en plus de valoriser l’esprit d’équipe. « Ils ont appris à tirer parti de leur alliance dans un climat d’entraide, de coopération et de bienveillance pour obtenir les meilleurs résultats », insiste-t-elle. Un point de vue partagé par Camille Fayad qui évoque « l’importance de l’échange et de la collaboration », et par Malek el-Khalil qui considère qu’une « telle victoire ne peut être accomplie sans l’harmonie et l’unité du collectif ». Alors que le pays sombre dans une guerre aux conséquences désastreuses, remporter la première place de ce concours revêt une signification particulière. « Ça me rend fière. J’espère que cette réussite pourra être une preuve à l’étranger de la résilience des Libanais et de notre capacité à travailler dur, malgré les circonstances », avoue Camille Fayad. Pour Michael Sakr, cette victoire représente « notre capacité à exceller malgré les défis. Elle montre que les Libanais peuvent briller sur la scène internationale. Dans l’espoir que cette force de notre peuple puisse porter ses fruits au Liban et contribuer à son essor et sa reconstruction ». Malek el-Khalil ressent des sentiments plus mitigés. « La victoire est aigre-douce. C’est un sentiment paradoxal : la fierté d’avoir représenté l’Université et le pays sur la scène internationale, est teintée d’amertume vu la souffrance partagée par tant de personnes. Il est difficile de se réjouir de quoi que ce soit. On ne peut qu’espérer que de telles victoires puissent inspirer la solidarité. » N’empêche, selon Marie-Claude Najm, « cette victoire symbolise l’excellence académique libanaise, même en ces temps extrêmement difficiles et douloureux ». Pour elle, il s’agit, en fin de compte, d’un petit signe d’espoir pour la jeunesse libanaise « qui est appelée à reconstruire le pays là où les générations précédentes ont échoué ». « Il n’y a pas de reconstruction possible sans connaissance, sans recul critique et sans travail acharné. C’est ce que nous essayons d’inculquer à nos étudiants », souligne-t-elle. Et de conclure : « Dans notre Faculté, nous ne voulons pas former les étudiants à retenir des règles de droit pour les réciter dans tel ou tel examen ou dans tel ou tel procès, mais à penser et à manier le droit : rechercher, comprendre, questionner, débattre, critiquer et proposer. Pour former des femmes et des hommes qui soient en mesure de répondre aux grands enjeux juridiques de notre société en mutation. » Organisé chaque année par l’Université Paris Saclay et le cabinet Linklaters, le Concours de droit international privé a vu s’affronter, lors des plaidoiries de la finale, quatre équipes de la Faculté de droit et des Sciences politiques de l’USJ et quatre autres françaises, de l’Université Paris Panthéon-Assas, l’Université Paris Saclay, l’Université Paris Panthéon-Sorbonne et l’Université Paris Descartes. Le jury, lors de cette édition, était composé de Fabienne Schaller, présidente de la Chambre internationale à la cour d’appel de Paris, de Bernard Haftel, professeur à l’Université de Paris-Nord, et de Cyril Falhun, conseiller au cabinet Linklaters.