Nadine Riachi Haddad, Secrétaire général de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban)
Nadine Riachi Haddad, Secrétaire générale de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban)
« Avec le début des bombardements d’Israël au Liban, le 23/09/2024, nous avons dû suspendre les cours pour des raisons de sécurité et par décision ministérielle, notre université étant située au cœur de Beyrouth », indique Nadine Riachi Haddad, Secrétaire général de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban), à News Tank, le 03/10.
Elle s’exprime en marge d’un séminaire du Gisguf (Groupement international des secrétaires généraux des universités francophones), réseau de l’AUF (Agence universitaire de la francophonie), à l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales) à Paris. Elle intervenait le même jour pour un retour d’expérience sur l’usage d’un plan stratégique et son rôle pour le SG (Secrétaire général/DGS (Directeur général (des services) et ses services.
Dans ce contexte, l’Université a activé une cellule de crise au sein de la direction qui est « en alerte quasi permanente », dit-elle. « Nous envoyons des communiqués aux étudiants, enseignants et personnels au moins une fois par jour. »
Autre conséquence : l’Université a dû geler tous les remplacements, les recrutements, les investissements et les missions à l’étranger prévus. « Nous ne dépensons que le strict nécessaire, ne sachant pas combien de temps ce conflit peut durer. Notre priorité est de garantir les salaires des personnels. »
« Cette crise nous plonge encore un peu plus dans l’incertitude. Elle s’ajoute aux autres que nous avons connues ces dernières années, notamment la crise financière déclenchée en 2019 et dont nous peinons à sortir. Aujourd’hui encore, il y a un plafond pour pouvoir retirer de l’argent dans les banques. La classe moyenne a quasiment disparu au Liban. Notre mission est justement d’aider à la rebâtir », indique-t-elle.
Si elle-même a hésité à maintenir son déplacement à Paris, elle indique que son Recteur a insisté, « car continuer à travailler est déjà un moyen de résister ».
Les services mobilisés pour les étudiants et les déplacés
La préoccupation majeure de la direction de l’Université est la sécurité. « Même si Israël affirme faire des frappes ciblées sur le Hezbollah, un très grand nombre de civils est néanmoins touché », déclare Nadine Riachi Haddad.
« Nous espérons pouvoir reprendre les cours la semaine du 07/10/2024, au moins en hybride, car beaucoup d’étudiants ont quitté la ville. Nous avons aussi deux Campus régionaux à Saïda et Zahlé qui ne peuvent plus continuer à fonctionner, étant donné qu’ils se trouvent dans des régions à très haut risque. »
Selon elle, la mobilisation des personnels de l’Université est totale : « Les services se sont mobilisés pour répondre aux besoins des étudiants et des déplacés, en lien avec le Service de vie étudiante, l’Opération 7e jour et la cellule de santé mentale. Ces bombardements créent beaucoup d’angoisse au niveau de toute notre communauté. »
Elle reste en contact permanent avec l’Université, même à distance. Elle doit retourner à Beyrouth dimanche 06/10/2024, mais ne sait pas si l’aéroport sera encore ouvert, « car il est situé au sud de la capitale, proche des bombardements ».
L’enjeu des moyens financiers, avec 25 % du budget dédié à l’aide financière des étudiants
L’Université Saint-Joseph a été fondée par les Jésuites et fête cette année ses 150 ans. Université privée, elle ne reçoit donc aucune aide de l’État.
« Notre modèle économique repose sur les frais d’inscriptions et les dons. Nous avons une fondation, la Fondation USJ, qui va chercher des moyens auprès de partenaires et des alumni qui vivent au Liban ou à l’étranger. Nous devions d’ailleurs organiser un dîner de levée de fonds en octobre mais avons dû l’annuler, en espérant pouvoir le programmer avant la fin de l’année, car nous avons besoin de moyens », indique le Secrétaire général.
Dans l’immédiat, l’Université va lancer une campagne de levée de fonds pour venir en soutien aux étudiants en situation difficile.
L’Université comptait déjà plus de 50 % d’étudiants boursiers en 2023, « sûrement plus cette année, et pour beaucoup aujourd’hui, il s’agit d’abord d’assurer leur survie alimentaire avant de pouvoir payer des études. Nous sommes ainsi passé de 11 M€ à 23 M€ d’aides financières à ces étudiants, c’est plus de 25 % de notre budget annuel. La position de notre Recteur est qu’aucun étudiant ne doit quitter l’Université pour des raisons financières. »
L’USJ accueille 11 000 étudiants dans 36 Facultés, Instituts ou Écoles, dans tous les champs disciplinaires. Elle compte 550 personnels, 500 enseignants-chercheurs cadrés et 1 500 enseignants non cadrés.