Géorisques au Liban : enjeux et défis

Mercedi 17 avril 2024
Organisateurs


À la Faculté des sciences (FS) de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), en partenariat avec l'Association pour la communauté et l'environnement (ACE) et le projet BioConnect, financé par l'Union européenne, s'est tenue la table ronde « Géorisques au Liban : enjeux et défis », en présence notamment de S.E. Dr Nasser Yassine, ministre de l'Environnement, de l'ambassadeur de Tunisie, S.E.M. Bouraoui Limam, du Vice-recteur aux affaires académiques, le Pr Toufic Rizk, représentant le Recteur de l'USJ, le Pr Salim Daccache s.j., du Vice-recteur, le Pr Salah Abou Jaoudé s.j., du Pr Richard Maroun, Vice-recteur à la recherche, de divers doyens, professeurs, directeurs, officiels, membres de la société civile et d’une foule d'étudiants.

Dans son mot d’ouverture, le Pr associé Zeina Hobaika, chef de Département des sciences de la vie et de la Terre-Biochimie à la FS, a exprimé son plaisir et enthousiasme d’accueillir cet éventail impressionnant d'acteurs clés autour de la table ronde axée sur le sujet crucial des géorisques au Liban. « Des défis et des perspectives se dessinent alors que nous nous réunissons » précise Hobaika, reconnaissant l'importance de traiter ces problématiques complexes et leur impact sur nos pays. « Le Liban, avec son histoire riche, son paysage diversifié et ses communautés dynamiques, poursuit-elle, n'est pas étranger aux défis posés par les géorisques. Des tremblements de terre aux glissements de terrain, de l'érosion côtière à l'érosion des sols, des inondations éclair à l'urbanisation et au développement des infrastructures, notre nation est confrontée à une multitude de phénomènes naturels qui exigent notre attention, notre compréhension et des solutions proactives. »

« La table ronde, ajoute Hobaika, se veut une plateforme de collaboration, de partage des connaissances et d'action collective. Nous avons réuni ici un groupe distingué d'experts, de chercheurs, de décideurs politiques et de parties prenantes qui apportent une richesse d'expérience et d'expertise à la table. Ensemble, nous visons à explorer les multiples dimensions des géo-menaces, en examinant non seulement les défis que nous présentons, mais aussi les avenues potentielles pour l'atténuation et la construction de la résilience. »

« Tout au long de cet événement, nous engagerons des discussions perspicaces, des présentations de recherches innovantes et le partage de bonnes pratiques. Notre objectif n'est pas seulement de sensibiliser à la question pressante en cours, mais aussi de favoriser des partenariats et des approches novatrices qui peuvent conduire à des progrès tangibles », conclut-elle.

Le Dr Soumaya Ayadi, présidente de l'Association ACE, a affirmé de son côté, avoir toujours été interpellée par le terme « catastrophes naturelles ». « Lorsque nous parlons d’incendies de forêt ou de séismes dangereux ou de glissements de terrain, ajoute-t-elle, nous les qualifions de catastrophes naturelles et nous nous demandons si c'est la nature qui crée les catastrophes. Est-ce qu'un séisme a le même impact dans une région désertique vide que dans une ville dense ? Est-ce que les glissements de terrain ont les mêmes conséquences dans une région montagneuse reculée que dans une ville où les bâtiments et les voitures sont endommagés par le glissement de terre et les rochers ? Les volcans actifs existent et ils ne sont pas considérés comme des catastrophes en soi, mais la présence humaine dans des zones sismiques dangereuses sans une conscience suffisante du danger, sans les études et la compréhension nécessaires de ces zones et de leurs installations et projets, est ce qui provoque les catastrophes. »

Elle a souligné dans ce contexte que les sciences de la Terre ne sont pas des sciences périmées, mais des connaissances créatives en constante évolution et qu'il est nécessaire de les renforcer dans les programmes éducatifs.

Le Pr Maher Abboud, doyen de la Faculté des sciences à l'USJ, a exprimé sa satisfaction quant à l'organisation d'une discussion sur le thème des risques géologiques au Liban et des défis auxquels nous sommes confrontés. « Ces risques, précise Abboud, font partie de plusieurs types de conditions géologiques négatives susceptibles de causer des dommages ou des pertes en vies humaines et en biens. Ils se manifestent par des phénomènes soudains. L'évaluation de la cartographie géologique joue un rôle vital dans la protection des communautés et des infrastructures contre les catastrophes naturelles, permettant ainsi aux gouvernements et aux organisations de prendre des décisions préventives éclairées et d'allouer judicieusement les ressources pour réduire les effets de ces risques sur les vies. »

« Le débat avec des spécialistes et des vétérans de ce domaine ne peut être que significatif, ajoute-t-il. Le Département des sciences de la vie et de la Terre de la FS met en lumière, lors de cette rencontre, les risques géographiques géologiques au Liban avec des experts de divers domaines. L'objectif est de comprendre ces risques et défis dans un pays comme le Liban et de formuler des recommandations pour la sécurité de la communauté. Ainsi, cette réunion se concentrera particulièrement sur les applications scientifiques réelles des risques géographiques et géologiques, mettant en évidence les meilleures pratiques à suivre et planifiant une meilleure collaboration entre les universités, les centres de recherche et les organisations non gouvernementales, ainsi peut-être, que les compagnies d'assurance. L'échange d'idées et de technologies vise à trouver des solutions scientifiques applicables aux risques. »

Le Dr Tamara el-Zein, Secrétaire générale du CNRS-Liban, s'est exprimée en tant que citoyenne préoccupée par les risques et en tant que responsable du Conseil national de géophysique, chargé de surveiller les tremblements de terre et les recherches géophysiques. « Dans ce cadre, précise-t-elle, nous avons lancé la plateforme nationale d'alerte précoce qui traite d'autres risques tels que les inondations, les incendies et la sécheresse. » Tamara el-Zein a également parlé de l'impact des catastrophes naturelles telles que la sécheresse et les inondations sur la disparition des civilisations, considérant que lorsque les communautés commencent à apprendre à faire face à ces catastrophes, leur gravité diminue en termes de dommages.

« Cette gestion, ajoute-t-elle, repose sur quatre piliers : la connaissance, c'est-à-dire la recherche scientifique, d'où l'importance des centres de recherche pour comprendre et identifier les risques pour les humains et les infrastructures. Le deuxième pilier est la protection et la prévention par le respect des normes de sécurité et des lois. Le troisième pilier est la gestion des catastrophes lorsqu'elles surviennent, et ici nous parlons d'un processus complet allant des décideurs dans les administrations publiques aux équipes d'intervention, en passant par les universitaires. Tout affaiblissement dans l'un de ces maillons entraîne l'affaiblissement de toute la chaîne. Le quatrième pilier concerne la sensibilisation et la responsabilité des citoyens à tous les niveaux, éducatif, médiatique et juridique. Ceci pour dire que la science n'est pas seulement une question de techniques mais avant tout une question de responsabilité. »

De son côté, le Pr Toufic Rizk a souligné que ces activités visent, d'une part, à intégrer les sciences de la Terre dans le cadre des préoccupations et mécanismes du développement durable, et à préserver les ressources naturelles dans la prise de décision. D'autre part, elles visent à sensibiliser les citoyens aux risques naturels et à rapprocher les concepts des sciences de la Terre et des risques de la société, tout en insistant sur la nécessité de flexibilité face à ces problèmes à travers la sensibilisation, la connaissance et le renforcement de l'éthique géologique.

« Le Liban, ajoute Rizk, a récemment été confronté à plusieurs risques géologiques récurrents, tels que le séisme qui a frappé la Turquie en 2023 et les séismes successifs ressentis par les Libanais, ainsi que les glissements et les mouvements de terrain qui ont suivi les fortes pluies. Tous ces événements ont été dévastateurs sans possibilité d'alerte préalable. Pour évaluer et estimer les impacts matériels et humains potentiels de tout événement, les scientifiques utilisent des études de risques, cependant, un élément important manque encore pour pouvoir traduire la réalité d'une crise, à savoir le comportement humain. »

« Dans de tels cas de crise, poursuit Rizk, ces risques sont généralement définis à travers leurs trois composantes : la fréquence à laquelle ce risque est exposé, la vulnérabilité matérielle et sociale pour illustrer la fragilité de la communauté affectée et la réduction de sa capacité de résilience. La dimension humaine individuelle, qui se manifeste par les déplacements et le comportement des individus, peut aggraver ou atténuer les risques auxquels ces personnes sont confrontées. Nous avons vu cela dans de nombreuses crises passées, où le manque de mesures et l'inaction ont eu des conséquences déterminantes sur le destin des individus. »

« Pour ces raisons, nous considérons cette table ronde comme une opportunité pour de nombreux chercheurs spécialisés dans le domaine d'échanger des connaissances et des expériences sur les meilleures pratiques en matière de gestion globale des risques au Liban », conclut-il.

Le ministre Nasser Yassin a longtemps attiré l'attention du public sur les problèmes environnementaux et la détérioration environnementale visible. « Mais ce qui est caché sous la surface n'est pas négligeable, avertit le ministre de l’Environnement, peut-être même plus grand et plus profond, avec des répercussions à long terme encore plus importantes. » Il a mis en lumière les risques sismiques, les dégâts des carrières et des exploitations minières, la dégradation des terres et la pollution souterraine résultant de la nature karstique des montagnes libanaises. Il a également abordé le sujet de la gestion des terres en tenant compte de leur nature géologique, et a dévoilé que le ministère contribue à travers un projet conjoint avec le PNUD, le « Programme de réduction de la dégradation des terres », qui vise à élaborer des plans et des conceptions détaillés pour les montagnes élevées au Liban afin de comprendre leur géologie.

Il a également abordé le sujet de la protection des montagnes en mettant en place un plan directeur qui fera partie intégrante d'une loi présentée au Parlement, ainsi que le lancement de sentiers géologiques comme cela s'est produit dans la réserve naturelle de Jaj à Jbeil, et la collaboration continue avec le Conseil national de la recherche scientifique.

À la fin de l'événement, une table ronde a réuni le Dr Soumaya Ayadi, le Dr Marlène Brax, le Dr Rita Zaarour, le Dr Kassem Rahal, le Dr Chadi Abdallah et le Dr Muhsin Elie Rahal pour discuter des enjeux et des défis des géorisques au Liban.

 

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