Le brillant ambassadeur de la culture juridique libanaise s’est éteint.
Né à Zahlé en 1942, Ibrahim Fadlallah, professeur et avocat, était un juriste hors-pair de renommée internationale.
Sa belle intelligence, son esprit vif et sa finesse de plume et de pensée avaient déjà marqué ses camarades et ses enseignants au long des années passées sur les bancs de la Faculté de droit de l’USJ, lui permettant de décrocher les premiers prix en droit civil (1961), droit commercial (1962) et droit international privé (1963). En 1964, le père Jean Ducruet, alors chancelier de la Faculté, écrit au doyen Georges Vedel : « Monsieur Ibrahim Fadlallah a passé avec mention « Très bien » les quatre sessions d’examens de sa licence française de droit et avec des notes du même ordre que ses examens de licence libanaise. Major pour les deux sections, c’est l’étudiant le plus brillant qu’ait eu la Faculté de droit de Beyrouth depuis de nombreuses années.»
Ibrahim Fadlallah poursuit ensuite des études de troisième cycle en droit privé et en sciences criminelles à Paris, qu’il couronnera par une thèse de doctorat particulièrement remarquée sur « La famille légitime en droit international privé ». Lauréate du Prix Julliot de la Morandière, cette thèse est publiée aux éditions Dalloz en 1975.
Entre 1966 et 1972, il est assistant à la Faculté de droit de Paris puis à l’Université Paris II, avant d’être nommé maître de conférences à la Faculté de droit et des sciences politiques de Dijon. L’étape qui le fait entrer dans la légende est incontestablement celle du concours d’agrégation en 1975. Postulant au concours à titre étranger, il est reçu premier mais avec une belle avance sur le premier de la liste des candidats français. D’abord professeur en poste à Dijon, il rejoindra deux années plus tard l’Université de Paris X Nanterre, dont il dirigera le DEA de droit privé de 1986 à 1998 et dont il fut professeur émérite depuis 2002.
Les publications de Ibrahim Fadlallah témoignent de l’étendue de leur domaine comme de la profondeur des analyses de l’auteur. De sa thèse fondatrice publiée en 1975 jusqu’à l’ouvrage de 2019 co-rédigé avec Dominique Hasher sur « Les grandes décisions du droit de l’arbitrage commercial », en passant par le cours de La Haye de 1994 sur « L’ordre public dans les sentences arbitrales », sans oublier les rubriques de l’encyclopédie Dalloz et les innombrables communications, articles de doctrine et notes d’arrêt, pas un domaine ou presque n’aura échappé à la puissance intellectuelle de Fadlallah : droit international privé de la famille, droit du commerce international, droit de l’arbitrage, droit des investissements, droit de la procédure civile, droit civil, droit notarial, etc.
Si sa carrière universitaire a démarré et s’est poursuivie en France, le professeur Fadlallah n’a pas pour autant oublié son alma mater, la Faculté de droit de l’USJ où il reviendra très souvent donner des conférences et participer à des colloques.
En tant que législateur, Ibrahim Fadlallah a présidé la commission de rédaction du Code de procédure civile libanais en 1983, a été coordinateur de la Commission libanaise pour la réforme des codes et des lois (1983-1988) et a représenté le Liban comme expert délégué à la Conférence de La Haye de droit international privé pour la négociation de divers traités. Il a également été membre de l’Institut de droit international, membre du Comité français de l’arbitrage, membre de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI et vice-président de la Commission d'arbitrage international de la CCI, ainsi que membre fondateur de bien d’autres sociétés savantes.
Il n’était pas surprenant qu’un tel parcours professionnel soit riche de nombreuses distinctions. Nommé officier de l’Ordre du Cèdre (Liban) et chevalier des Palmes académiques (France), Ibrahim Fadlallah était également détenteur du prix Choucri Cardahi de l’Académie des sciences morales et politiques (1997) et du Trophée d’Or de l’Arbitre de l’année (2007).
Ce panorama professionnel demeure bien impuissant à révéler, au-delà de l’universitaire et du praticien, toute la richesse de la personnalité de l’homme. Incarnation pure d’autorité, de force, d’humanisme, de culture et de compassion, ses actions ont été une source d'inspiration pour celles et ceux qui ont eu la chance de croiser son chemin.
Ibrahim Fadlallah est parti laissant derrière lui une communauté en deuil et en peine, mais chargée de fierté et d’admiration.
Lire en version anglaise : In Mem