Cette année encore, les candidats à la finale libanaise du concours « Ma thèse en 180 secondes » (MT180s) ont présenté sur scène leur sujet de recherche : trois minutes et une diapo pour vulgariser leur thèse au grand public. L’événement a eu lieu le jeudi 15 juin 2023 au Centre d’employabilité francophone de Beyrouth de l’AUF, et a récompensé Maya Mahfouz, doctorante au Département de nutrition à la Faculté de pharmacie (FP) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ). La doctorante Amani Fawaz, également de l’USJ, s’est classée deuxième.
Maya Mahfouz a répondu à ces questions pour le site de l’USJ.
Parlez-nous de votre projet de recherche.
L’objectif de ma thèse était d’évaluer les taux sériques de substances Per-and Polyfluoroalkylées (PFAS) chez des femmes enceintes libanaises, les taux dans le sérum du cordon et le lait maternel, d’examiner leurs déterminants ainsi que leur effet sur l’anthropométrie du nouveau-né. 419 femmes enceintes ont été recrutées dans 3 gouvernorats : Beyrouth (Hôtel-Dieu de France), la Békaa (Hôpital Chtoura) et Nabatieh au Sud (cliniques gynécologiques). Parmi 419 femmes, 269 ont rempli les questionnaires sociodémographiques, anthropométriques, environnementaux et diététiques. Les PFAS ont été dosées dans l’Industrial Research Institute (IRI).
Les PFAS font partie des Polluants Organiques Persistants (POP) qui sont cancérigènes et nommés « Polluants éternels », vu qu’ils persistent dans l’environnement. C’est la première fois que ces polluants sont mesurés dans le sang au Liban ainsi que chez des femmes enceintes. Les résultats ont montré des taux assez élevés de 2 congénères des PFAS chez 36.3-37% de l’échantillon (l’acide perfluorooctanoïque PFOA et l’acide perfluorooctanesulfonique PFOS). L’analyse a montré que la consommation de poissons/fruits de mer, vivre à proximité de l’incinération illégale et un niveau d’éducation supérieur ont été associés à deux fois plus de risque de taux maternels sériques élevés. De plus, des taux supérieurs ont été significativement associés avec un moindre poids à la naissance chez les nouveau-nés. Les PFAS ont été également détectées dans le lait maternel et ont été associées à une plus grande consommation d’œufs et de produits laitiers.
Comment avez-vous procédé pour vulgariser ce thème pour le concours ?
Afin de se préparer au concours, tous les doctorants ont suivi une formation avec Mme Alexandra Kodjabachi sur la communication verbale, communication non verbale, le jeu de mot et le storytelling. Cette formation a été suivie par le cadrage de Mme Tamara el-Zein au CNRS-L, afin d’affermir le langage utilisé dans nos présentations, pour le vulgariser et permettre au public de mieux le comprendre, mais sans pour autant perdre de son contenu et de son importance scientifique. Cela a assuré un transfert fluide de l’information et un pas de plus sur le chemin de l’établissement de ponts entre la science et société. J’ai également reçu le support de ma chère sœur jumelle, Yara Mahfouz, qui est également doctorante et ma collègue dans mon projet de recherche. Je remercie l’AUF et le CNRS pour l’organisation et leur support.
Défendriez-vous les couleurs du Liban lors de la finale internationale 2023 ?
J’aurai l’opportunité de pouvoir être sélectionnée pour défendre les couleurs du Liban lors de la finale internationale, prévue le 5 octobre 2023, à Rabat. Ça me fera infiniment plaisir d’y participer et de représenter Liban dans ce concours prestigieux !
Parlez-nous de votre parcours à l’USJ et de son apport dans votre réussite.
Ce fut jusqu’à présent un parcours de recherche splendide à l’USJ, au Département de nutrition de la Faculté de pharmacie (FP). Au fait, j’ai achevé ma Licence en nutrition et diététique ainsi que mon Master en nutrition humaine à l’USJ, où j’ai été major de promotion. Passionnée de recherche, j’ai travaillé au Département de nutrition comme assistante de recherche pendant plusieurs années, ce qui a mené à mon inscription au Doctorat en sciences nutritionnelles, toujours au sein de la même équipe. L’idée de doser les Polluants Organiques Persistants (POP) dans les matrices biologiques au Liban était celle du professeur Jean-François Narbonne, toxicologue, professeur honoraire de l'Université de Bordeaux et notre professeur de toxicologie. Ainsi a démarré une journée de recherche assez unique et spéciale avec l’équipe de recherche formée par le Pr Khalil Hélou, chef du Département de nutrition à l’USJ, le Dr Mireille Harmouche-Karaki, professeure adjointe à l’USJ et avec qui nous avons surmonté tous les défis ainsi que les hauts et les bas de la recherche, le Dr Joseph Matta, responsable des laboratoires à l’Industrial Research Institute (IRI) qui nous a assuré le dosage des polluants, sans oublier mon co-directeur de thèse, le Pr Hassan Younès, enseignant-chercheur en nutrition et santé à l’Institut Polytechnique UniLaSalle Beauvais, le Dr Nicole Sayegh, professeure adjointe à l’USJ et le Pr Pascale Salameh, professeure d’épidémiologie à l’Université libanaise, lesquels nous ont accompagnés tout au long du chemin dans l’analyse statistique ; et bien sûr ma collègue, doctorante et sœur jumelle qui a toujours été à mes côtés tout au long de ce trajet, Yara Mahfouz.
Ainsi, je suis sortie de ce beau parcours de travail assidu, avec une bonne expérience en recherche, environ une dizaine de publications dans des journaux scientifiques et surtout plein de souvenirs. Outre le côté scientifique et toxicologique, je me rappellerai toujours de nos rencontres inoubliables avec notre cher professeur Jean-François Narbonne. Non seulement nous faisions le tour du monde en matière de culture, d’histoire et de civilisation, mais nos plus belles rencontres étaient musicales : nous entonnions avec lui, muni de sa petite guitare et de sa belle voix, les plus belles chansons, ma sœur et moi en polyphonie. C’est peut-être l’inspiration qui m’a encouragée davantage à vulgariser un sujet de thèse aussi technique et scientifique.