La Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) a inauguré, le mardi 21 mars 2023, sur l’esplanade du Campus des sciences humaines de la rue de Damas, le Jardin de la francophonie, fruit de la collaboration entre 14 ambassadeurs appartenant au Groupe des ambassadeurs francophones (GAF) et les professeurs suivants à la FLSH : Christian Taoutel, chef du Département d’histoire-relations internationales ; Nasri Messara, responsable du Master information et communication et Karl Akiki, ancien chef du Département de lettres françaises, en présence du recteur de l’USJ, le Pr Salim Daccache s.j., du doyen de la FLSH, le Pr Myrna Gannagé, des vice-recteurs, des responsables de l’USJ, des ambassadeurs du GAF et d’une foule d’étudiants et d’amis de l’Université.
Dans leur mot d’accueil, le représentant de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Levon Amirjanyan, et le président du GAF, l’ambassadeur de Tunisie, S.E.M. Bouraoui Limam, ont respectivement considéré le Jardin comme étant un espace qui « incarne la diversité de la francophonie » et qui « cadre parfaitement avec ses principes : amitié, ouverture et diversité ».
De son côté, le Pr Daccache a estimé que l’inauguration empreint « cette journée de la francophonie d’une marque ineffaçable, celle de la culture francophone qui est une partie intégrante de l’identité culturelle d’une nation et d’un peuple. En même temps, poursuit-il, nous voulons voir en cette marque qui va durer, une expression de confiance à l’égard de l’USJ comme dépositaire d’un héritage francophone fait d’hommes et femmes qui, tout au long d’un siècle et demi de son existence, ont revêtu de leurs immortelles productions les beaux vêtements de la culture francophone ».
« Ce moment que nous vivons malgré les crises successives, ajoute le Recteur, est une opportunité de célébration d’une langue et d’une culture en symbiose avec la langue arabe. C’est pour dire l’attitude de la francophonie à tendre la main pour faire union dans les valeurs d’hospitalité, de synergie, de solidarité, de partage, de respect de la diversité et de la confiance en l’autre, de l’engagement, de la concertation, de l’excellence et de l’amitié. Nous savons que cette francophonie est concurrencée surtout par les écrans et les messages dans un ramassis de langues, mais cela nous appelle à ne pas démissionner, mais à demeurer vigilants pour continuer de donner à nos jeunes générations le goût et les compétences, pour faire du français un allié et une langue de vie. »
Les arbres du Jardin, « bien enracinés et représentant chacun un pays », sont là, selon le Pr Myrna Gannagé, « pour nous rappeler que nous devons consolider nos liens avec la culture francophone en la faisant davantage connaître, en défendant les valeurs qu’elle véhicule comme la paix, la solidarité et la liberté d’expression. La francophonie est aujourd’hui un outil important pour prôner l’égalité des droits de l’homme et promouvoir la culture de la démocratie si malmenée dans le monde. »
« Ce concept de Jardin de la francophonie, poursuit-elle, est important, non seulement pour faire connaître la francophonie, mais aussi pour la consolider. Dans un monde où 70% des francophones se disent préoccupés par l’avenir de leur langue, la francophonie est aujourd’hui en danger. Beaucoup d’intellectuels français n’y croient plus, la présentent comme un passé perdu et considèrent que la modernité s’incarne dans la langue anglaise et dans la culture anglo-saxonne. Au Liban les élites intellectuelles s’inscrivent de moins en moins dans un destin francophone. »
« Il nous appartient en tant que responsables académiques, affirme Gannagé, de montrer à nos jeunes que la langue française est un joyau pour la transmission des valeurs, de les amener à percevoir qu’au creux du français, il y a toujours eu cette volonté de liberté, sans doute toujours inaccomplie, cette volonté de ne pas céder. Il nous revient aussi de les sensibiliser au fait que la création a une place particulière dans la langue française. »
« Il ne suffit pas de créer et d’aménager le Jardin. Il faut le faire vivre. La FLSH a décidé de s’y engager en participant au combat pour la diversité culturelle et linguistique, en formant des penseurs qui s’orientent vers l’action, en contribuant à la construction de la francophonie du 21e siècle, une francophonie ouverte, renouvelée, ambitieuse qui devrait voir se multiplier les maisons et les jardins de la francophonie dans le cadre d’un projet global », conclut la doyenne de la FLSH.
« En l’an 2000, se rappelle le Pr Christian Taoutel, mes collègues Nasri, Karl et moi-même, étudiants, trouvions ce Campus trop grand, trop blanc, trop bétonné et trop désertique. Il y manquait quelque chose, et ça devait être un jardin. Le temps passa, et nous voilà enfin rassemblés pour voir enfin le jardin rêvé, se réaliser : le premier Jardin de la francophonie au monde. »
« La bénédiction académique du Recteur de l’USJ obtenue, poursuit-il, il fallait désormais les bénédictions diplomatiques du Groupe des ambassadeurs francophones. Et il n’aurait pas été possible sans l’enthousiasme immédiat de l’ambassadeur d’Arménie, S.E.M. Vahagn Atabekian, passant le relais à l’ambassadeur de Tunisie, S.E.M. Bouraoui Limam, qui nous ont tout de suite donné le feu vert. »
« Ensuite, ce fut une magnifique série de voyages sans visa heureusement, vers les ambassades de Tunisie, d’Arménie, de Roumanie, du Canada, de Tchéquie, de Côte d’Ivoire, de Grèce, de Belgique, de Suisse, de France, du Maroc, de Bulgarie et d’Egypte…Et d’une ambassade à l’autre, le projet se concrétisait de mieux en mieux. L’objectif était que chaque pays soit représenté par deux arbres et par son drapeau sur un banc. La belle surprise vint également de Bruxelles, qui offre, en marge du Jardin, un magnifique coin vert avec des oliviers. La Fondation Charles Corm nous a soutenus également avec des pousses authentiques venues directement du jardin du poète Charles Corm, l’un des premiers auteurs libanais francophones. Son nom ainsi que vos drapeaux seront désormais au cœur de l’USJ. »
« L’accouchement est enfin là, estime pour sa part Karl Akiki dans un mot lu par Christian Taoutel, et c’est un beau bébé que vous nous avez confiés. En ce moment même, à Rabat, j’inaugure l’Académie internationale de la francophonie scientifique aux côtés du GAF Maroc. Deux projets, deux continents, deux pays, la douleur de l’émigration en plus. Et pourtant, un seul et même projet vertueux, celui de proposer une alternative, un carrefour à la pensée devant le monolithisme intellectuel et culturel qui s’impose grâce à sa facilité. Puisse ce Jardin de la francophonie, qui vous entoure, germer, fleurir et semer de nouvelles pousses un peu partout à travers le monde et refaire fleurir le trilinguisme qui reste la dernière marque de l’exception libanaise. »
Au milieu des gratte-ciels, des embouteillages, des rues assourdissantes et de la frénésie du quotidien urbain, deux étudiantes, Myriam Hindi et Sally Nasr, respectivement étudiantes en lettres françaises et en histoire-relations internationales, ont affirmé que ce Jardin, « lieu de sérénité », permet aux étudiants de « se ressourcer entre les cours dans un espace bucolique et rafraîchissant. Lire, manger, discuter en français, en arabe et en anglais, assis sur les bancs de ce Jardin, sont autant de petits bonheurs simples de notre quotidien étudiant ».
« Mais au-delà de ce support thérapeutique, poursuivent-elles, le Jardin possède une importante dimension symbolique. L’USJ, étant une université francophone qui accueille de nombreux étudiants internationaux, est un véritable espace cosmopolitique dont ce Jardin est l’allégorie. Cette diversité des cultures constitue l’une des facettes de notre identité libanaise et nous permet d’oublier, ne serait-ce que le temps d’une pause, les soucis liés à notre pays. »
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