Fadi el-Hage a fondé, en janvier 2014, la section Liban de l’Association pour le développement des méthodologies d’évaluation en éducation (Admee). Photo Rana Abou Saleh
In L'Orient- Le Jour / Par Carole Awit, le jeudi 20 octobre 2022
La journée nationale de l’Admee à l’USJ a permis de mettre en lumière la nécessité de développer des compétences transversales chez les étudiants et l’importance de les évaluer.
« L’idée de la transversalité n’est pas récente. Les curricula et les programmes ont, depuis toujours, mis l’accent sur la nécessité de développer des compétences susceptibles d’être investies dans plusieurs disciplines et situations », indique le professeur Fadi el-Hage, docteur en sciences de l’éducation et délégué du Recteur pour le développement professionnel à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ). Il assure que l’intérêt pour les compétences transversales a connu un essor sans précédent avec l’émergence des compétences du XXIe siècle qui, même si elles « n’ont pas d’ancrage disciplinaire (...) permettent d’améliorer les parcours, les mobilités professionnelles et l’employabilité des individus ». Ces compétences, dites transversales, sont indispensables pour s’adapter au monde et à ses évolutions, assure le professeur el-Hage qui annonce que celles-ci seront de plus en plus recherchées dans les métiers du monde de demain. Elles sont notamment connues sous l’appellation des « 4 C », c’est-à-dire l’esprit critique, la créativité, la collaboration et la communication. De nombreux organismes, à l’instar du Forum économique mondial et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), y ont ajouté deux autres compétences considérées comme étant tout aussi importantes : le « caractère » et la « citoyenneté ». D’après ce spécialiste en sciences de l’éducation, dans un monde en pleine mutation, les personnes jugées comme étant compétentes devront, en plus d’être dotées d’une intelligence technique qui seule ne suffit pas, posséder une intelligence qui soit à la fois émotionnelle et relationnelle (intra- et interpersonnelle). « Si le numérique, la robotique, la digitalisation et l’intelligence artificielle gagnent du terrain et que des robots intelligents remplacent les humains dans des métiers et des domaines techniques, ils ne pourront jamais remplacer les compétences psychosociales propres à l’humain », détaille Fadi el-Hage qui a fondé, en janvier 2014, la section Liban de l’Association pour le développement des méthodologies d’évaluation en éducation (Admee).
Former les enseignants
Afin de faciliter le développement et l’évaluation des compétences dites transversales chez les étudiants, le Centre de formation professionnelle et la Mission de pédagogie universitaire de l’USJ ont organisé, avec l’appui de l’Institut français du Liban, la 9e Journée nationale de l’Admee, section Liban. Celle-ci a permis de regrouper, le 24 septembre dernier sur le Campus de l’innovation et du sport, jusqu’à 70 enseignants-chercheurs, issus des différentes universités francophones libanaises, pour réfléchir, débattre et partager des résultats de recherche et des pratiques sur l’évaluation de ces compétences indispensables pour s’adapter au monde et à ses évolutions. Les enseignants ont ainsi pu assister à la conférence inaugurale intitulée « Évaluation des compétences transversales (CT) : exemples à l’Université de Genève », donnée par le Dr Delphine Rinaldi, conseillère pédagogique à l’Université de Genève. Ils ont, par la même occasion, pu prendre part à deux ateliers pratiques. Le premier, intitulé « Évaluation des compétences interpersonnelles et sociales », conçu et animé par le Pr el-Hage, a couvert la communication orale, le travail de groupe (coopératif), l’interculturalité et le sens du leadership.
Le second, intitulé « Évaluation des compétences personnelles et cognitives », conçu et animé par le professeur en sciences de l’éducation à l’Université libanaise Wassim el-Khatib, a couvert 4 autres compétences : l’esprit critique, la pensée créative, l’organisation/gestion du temps et la résolution de problèmes. « Ces ateliers ont été l’occasion de construire des grilles critériées pour une évaluation objective des compétences, sachant que la complexité de celle-ci réside dans le fait de trouver des critères et des indicateurs précis pour chaque composante, tout en veillant à ne pas perdre de vue l’importance de l’évaluation de la compétence dans sa globalité, par le biais des tâches complexes et de situations authentiques », explique Fadi el-Hage, qui est actuellement vice-président d’Admee Europe. Il rappelle, d’ailleurs, que l’USJ contribue au quotidien, par le biais de sa Mission pédagogique universitaire, à former une jeunesse dotée de compétences transversales. « Cette Université, indique-t-il, a été pionnière, en lançant un diplôme en pédagogie universitaire en 2005. Consciente que l’enseignement ne se limite plus à la seule transmission de connaissances et qu’il comprend le développement de compétences, notamment transversales, auprès des étudiants grâce à des méthodes d’enseignement auxquelles il est nécessaire de former les enseignants, l’USJ a créé, en 2012, une nouvelle structure au niveau du rectorat : la mission de pédagogie universitaire ». Pilotée par le Pr Nada Moghaizel-Nasr, sa mission est de former les enseignants afin qu’ils puissent assurer aux étudiants une formation en phase avec le XXIe siècle. « Cette structure organise des ateliers de formation, accompagne les enseignants de l’USJ et produit des ressources pédagogiques. Le Manuel de pédagogie universitaire, accessible en ligne, qu’elle a publié avec le soutien de l’AUF et qu’elle enrichit régulièrement, est maintenant consulté par de nombreuses universités à travers le monde », souligne le Pr Fadi el-Hage.