Le 5 septembre 2022, un jour à marquer d’une croix blanche pour la Faculté de droit et des sciences politiques de l’USJ : en effet, une cérémonie de passation de pouvoirs très attendue y a eu lieu entre le doyen Léna Gannagé, après un parcours de neuf années à la tête de la Faculté, et le doyen récemment élue Marie-Claude Najm Kobeh, ancienne ministre de la Justice.
Deux femmes, deux agrégées en droit, deux camarades de classe au Collège Notre-Dame de Nazareth, deux professeurs extrêmement appréciés de leurs collègues et de leurs étudiants. Malgré ces nombreux points communs, deux personnalités spécifiques qui contribuent à enrichir, par leurs approches humaines et académiques particulières, l’histoire d’une institution centenaire.
Même si « l’atmosphère générale du pays ne prête pas vraiment à la fête », comme le souligne d’emblée le doyen Gannagé, les membres du corps enseignant sont heureux de se retrouver, après deux années noires, dans l’ambiance conviviale qui a toujours été celle de la grande famille de la Faculté, en présence du recteur de l’université le professeur Salim Daccache, des vice-recteurs, de l’ancien doyen Fayez Hage-Chahine et du président de l’Association des anciens de la Faculté, le ministre Abbas El-Halabi avec les membres de son Comité dont le Bâtonnier Nader Gaspard.
S’adressant à son successeur, le doyen sortant reconnaît qu’elle aurait voulu lui remettre, comme elle l’avait reçue en 2013, une Faculté en fête, une « Faculté au sommet de sa gloire » qui venait de célébrer son centenaire. Hélas ce passage de relais intervient « dans un contexte qui lui donne une certaine gravité car il met en lumière à la fois la violence de la crise qui frappe les universités et la transformation du rôle des doyens au milieu de la tempête », dont l’un des effets pervers est de « restreindre le temps de pensée et d’écrire des universitaires » ; elle évoque à cet égard le danger d’une « pénurie de la pensée ». Le doyen sortant souligne ainsi les défis qu’il a fallu relever durant son décanat : le traitement des questions financières qui accaparent désormais les doyens, tout en rassurant son successeur : « vous apprendrez très vite, en terre jésuite, l’art de mendier avec dignité pour la plus grande gloire de Dieu ». S’y ajoute la nécessité de préserver le rôle et la place de la Faculté dans la contribution au débat public à un moment « où le droit n’existe plus que dans les amphithéâtres de la rue Huvelin ». Le « parti-pris de neutralité politique » de l’institution ne doit pas conduire à la passivité des universitaires face à la destruction violente des valeurs qui sont celles de la Faculté. Le défi le plus important enfin : maintenir le rythme des activités de la Faculté en dépit de la crise. Le doyen Gannagé relève toutefois que le « parcours académique extrêmement brillant » du doyen Najm, de même que « le courage et la détermination » avec lesquels elle a affronté l’expérience du ministère de la Justice, « qui en ont impressionné plus d’un », lui permettront de surmonter toutes les difficultés et de mener à bien sa mission.
A son tour, le nouveau doyen, avec l’éloquence qu’on lui connaît, prend la parole pour retracer d’abord le parcours héroïque de son prédécesseur au cours des années écoulées, rappelant sa résistance « à toute forme de médiocrité, la médiocrité du langage comme celle des idées », et décrivant, dans une envolée remarquée, la « personnalité singulière » du doyen Léna Gannagé : « L’autorité, sans la contrainte. La fermeté, sans la rigidité. L’intransigeance, sans le dogmatisme. La bienveillance, sans la complaisance. La discrétion, sans l’effacement. Le courage, sans l’imprudence. La mesure, sans la tiédeur. La subtilité du verbe, sans l’affectation. L’humour, sans la moquerie ».
Après cet hommage mérité qui a aussi englobé le vice-doyen Aïda Azar, son successeur, Madame Samia Asmar, ainsi que les enseignants et doyens de la Faculté disparus ces dernières années, place à l’avenir de la Faculté. Le nouveau doyen a réaffirmé, à cette occasion, « la farouche volonté de maintenir la qualité de l’enseignement, d’investir dans l’innovation et la recherche et de développer les outils de communication ainsi que les co-diplomations avec les universités étrangères ». Le doyen Najm a aussi insisté, dans l’esprit de « la résistance culturelle » à laquelle appelait le recteur Salim Abou et que poursuit le recteur Daccache, sur l’importance des projets concrets favorisant « l’intégration des étudiants dans la cité ». Face à la profonde crise morale que nous traversons, elle a appelé à « insuffler à nos jeunes un vent d’espoir, chasser les lamentations et retrousser nos manches », et à réconcilier la jeunesse avec son pays : « Ce pays, cet Etat, il lui faudra le mériter, l’investir, le conquérir. Et le dépouiller, percée après percée, de toutes les cellules qui l'ont rongé, souillé et désarticulé. Ce sont, ne l’oublions pas, les petits ruisseaux qui font les grandes rivières ».
Deux surprises de taille devaient enfin marquer cette belle cérémonie. En effet, à la suite d’une allocution remarquée au cours de laquelle le ministre Halabi a élégamment rendu hommage à la Faculté de droit de l’USJ, au doyen sortant et au nouveau doyen, il a annoncé l’allocation par l’Association des Anciens de la Faculté d’un montant substantiel pour les bourses universitaires, qu’il a aussitôt remis au nouveau doyen, avant de remettre au doyen Léna Gannagé la médaille de Commandeur de l’Ordre du Cèdre en reconnaissance des services rendus pendant son décanat, évoquant à cet égard « le cœur, la compétence et le dévouement » qui lui ont permis « de rendre navigable les mers les plus houleuses » et qui font d’elle « un éducateur dans l’âme ». Une récompense bien méritée qui a réjoui tous les présents et que Madame Gannagé a reçue avec sa grâce et sa modestie habituelles.
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Allocution de S.E. Monsieur Abbas Halabi
Discours du Doyen sortant Léna Gannagé
Discours du Doyen élu Marie-Claude Najm Kobeh