« Le Vieux Guitariste aveugle » de Picasso, un tableau porteur d’impressions !
L’art moderne n’est pas un concept historique mais c’est une perspective esthétique issue à la fin du XIXe siècle. Le XXe siècle constitue une rupture avec la mimèsis qui signifie la représentation de la réalité. Baudelaire est le premier qui a fait usage de la notion de modernité. Pour lui, la beauté est puisée dans la révolution industrielle. Il a encouragé les nouveaux sujets tout en faisant émerger le courant impressionniste. Picasso est l’un des grands peintres qui ont marqué l’art moderne. Par exemple, Le Vieux Guitariste aveugle est un tableau peint en 1903 pendant la période bleue. Il s’agit d’huile sur toile avec une dimension de 121 × 92 cm. Le lieu d’exposition de ce tableau est à l’institut d’art de Chicago. Dans quelles mesures pouvons-nous dire que cette œuvre recèle un aspect allégorique et une dimension théâtrale ?
Ce tableau qui s’est réalisé au cœur de la période bleue est une véritable représentation mentale. C’est une scène prise de la psyché de Picasso. La période bleue est celle la plus dépressive de la vie du peintre parce qu’elle est imprégnée par le suicide de son ami Casagemas à Paris. Bouleversé par cet épisode, Picasso s’interroge sur la misère humaine et l’existence. C’est pourquoi, cette période est considérée comme celle des images mentales. En réalité, Picasso a donné à toutes ses interrogations une tonalité incarnée par le bleu. Il a déclaré : « C’est en pensant à Casagemas que je me suis mis à peindre en bleu ». Cette couleur intellectuelle propre à l’allégorie se charge de transmettre sa mélancolie existentielle. En termes de perspective les deux cadres en arrière-plan ont la forme d’une fenêtre. Et si ces cadres ne forment pas une fenêtre, ils constituent au moins un cadrage qui met en valeur l’emprisonnement mental dans un monde de misère et de pauvreté.
Le tableau nous fait penser aussi à des questions morales comme le besoin, l’injustice humaine et le despotisme. Le drame qui se joue au premier plan se donne comme universel. La pauvreté est traduite par la maigreur du mendiant, son visage pâle et blême, ses mains squelettiques et ses vêtements déchirés. Le personnage est également considéré comme un symbole pace qu’il n’y a pas aucun signe ou une trace temporelle qui définissent son âge. Selon les critiques d’art, les toiles de Picasso pendant la période bleue sont monochromes, d'une composition simple et austère, dépourvues de repères spatiaux et empreintes de symbolisme.
D’une part, certaines zones du corps de l’homme sont éclairées par une lumière blanc lunaire en donnant un aspect fantomatique à l’homme. Le clair-obscur rappelle les jeux de lumière au théâtre, d’autant plus que se permet de très forts contrastes entre la lumière et l’ombre. Ce choix esthétique forme un procédé de mise en scène et de dramatisation. Le noir possède aussi une portée symbolique parce qu’il est attribué dans l’inconscient collectif à une signification funéraire. D’autre part, la présence de la guitare crée une lueur d’espoir vue qu’elle incarne son échappatoire de l’emprise sociale.
La dimension mortuaire se dégage d’emblée de l’atmosphère macabre et des éléments autobiographiques comme le suicide de Casagemas, l’ami de Picasso. Ce tableau regorge aussi un aspect fortement théâtral, dans la mesure où le peintre devient metteur en scène. Entre l’implantation d’un décor dont l’éclairage est de type dramatique et la physionomie du personnage, c’est une véritable dimension théâtrale qui est mise en exergue. Picasso a entamé sa période bleue hanté par le drame de la mort de son ami et il est parvenu à retranscrire à merveille ses émotions dans ce tableau.