L'Observatoire de la fonction publique et de la bonne gouvernance (OFP) de l'Université Saint- Joseph de Beyrouth (USJ) et dans le cadre du développement de la gouvernance environnementale, a organisé le sixième et dernier colloque intitulé « Gouvernance environnementale dans le secteur des déchets solides et de la gestion des produits chimiques », en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le ministère de l'Environnement, le vendredi 29 avril 2022 au Campus des sciences sociales de l’USJ.
Le séminaire a été introduit par le professeur Pascal Monin, directeur de l’OFP, qui a estimé que « tout ce que nous vivons dans le secteur de l'environnement et la possibilité d'y trouver des solutions est très difficile, surtout dans le secteur de la gestion des déchets solides et des produits chimiques desquels nous souffrons depuis l’année 2015”, tout en soulignant que « le dossier des déchets reflète l'effondrement politique au niveau de la gestion d'un dossier environnemental vital », s'interrogeant sur l’incapacité à trouver des solutions.
La discussion a commencé avec le Dr Sophia Ghanimeh, Professeure Associée en ingénierie de l’Environnement et des Ressources en eau, à l’Université Notre-Dame (NDU), qui a présenté des chiffres et des faits sur la réalité des déchets solides et des produits chimiques au Liban, la méthode de traitement des déchets et les abus qui s'y produisent dans ce secteur depuis le début de la crise en 2015.
Ghanimeh a indiqué que le problème est dans le budget du ministère de l'Environnement, qui touche le 0%, ce qui signifie l'incapacité de résoudre les problèmes, comme ceux dont souffrent les municipalités et le manque de participation de la population dans le traitement.
La consultante en environnement Lama Mghames, a énuméré les types de déchets que le décret sur les déchets dangereux publié en 2019 a mentionné, ainsi que ses décrets exécutifs publiés en 2020 et 2021, mais lequel, jusqu'à présent n'a pas été mis en œuvre comme requis, considérant que « si nous traitons des déchets dangereux, nous aurons traité une grande partie des déchets solides” , et elle a insisté sur la nécessité d’être conscients de la dangerosité de ces déchets et du danger de les jeter au hasard entre les habitations.
Mghames a parlé des déchets chimiques et de la façon de les traiter au Liban, sachant que le Liban est signataire d'un accord international portant sur le traitement de ces déchets, qui force l'État à le faire, et non pas pour le sensibiliser, mais l’important est que le traitement est mis en place.
Le représentant de l'Association des industriels libanais, l'ingénieur Sami Assaf, a estimé que "le principal problème dans la manière dont les déchets sont traités est la corruption, la mauvaise gestion, le manque d'application de la loi et l'évasion fiscale dont souffre le secteur public, et donc si nous ne changeons pas la méthode de travail et l'ensemble du système, nous continuerons à souffrir."
Il a ajouté : « Nous avons gaspillé des milliards de dollars ces dernières années. Les déchets sont des restes et ces résidus sont coûteux, nous devons suivre la politique de recyclage à travers l'industrie. Les solutions sont là, et nous n'avons qu'à nous mettre au travail."
L'ingénieur Bassam Sabbagh, chef du service de l'environnement urbain au ministère de l'Environnement, a estimé dans son intervention que l'environnement n'était pas une priorité pour l'autorité politique, et tant que cette affaire ne les concernait pas, le dossier était lâché et donc des empiètements sur l'environnement étaient permises sans responsabilisation ni supervision, à un moment où l'on voit que les pays développés suivent le dossier de l'environnement au quotidien tout en élaborant un plan d’urgence , puis sa mise en œuvre , pour enfin établir une stratégie à long terme.
Il a ajouté : « Nous avons soumis une loi sur le traitement des déchets solides depuis l’année 2005, qui n’a été approuvée qu’en 2018. Nous, au ministère, souffrons de cette lenteur », soulignant que "la loi visait à réglementer ce secteur, mais plusieurs de ses articles ont été créés pour des fins politiques, et aujourd'hui, elle a certainement besoin de modifications". Sabbagh a estimé qu’« il n'est pas acceptable de traiter nos déchets par enfouissement. Il n'y a pas de place pour l'enfouissement comme dans les pays du Golfe où il y a de vastes zones dans le désert. C'est également inacceptable pour le Conseil des ministres, de s'immiscer dans les moindres détails car cela entrave le travail et permet aux forces politiques d'intervenir dépendamment de leurs intérêts."
Il a ajouté : "Notre situation est très mauvaise, avec deux décharges sur la mer, plus de 1 200 décharges aléatoires sur toutes les terres libanaises, et des incinérateurs quotidiens de déchets. Nous devons fermer les décharges aléatoires comme première étape efficace et réelle pour résoudre la crise, et puis travailler sur des décharges saines”. Quant aux solutions, Sabbagh a souligné la nécessité de commencer à soutenir et financer le ministère avant de parler de toute autre solution, puis d'organiser des décharges et d'aller vers des solutions décentralisées en coopération avec les municipalités.
Le président d’ECOSERV pour la durabilité environnementale, Dr Gabi Kassab, a parlé de l'importance de la sensibilisation dans ce secteur. Kassab a abordé le travail des municipalités et de la disparité entre elles dans le traitement des déchets et le rôle du secteur privé et de son implication dans le dossier, sachant qu’il est capable d'agir rapidement et de réaliser des progrès clairs et remarquables.
Le représentant national de DRI au Liban, expert en Gouvernance et Politiques publiques, au Waste Management Coalition, Dr André Sleiman, a estimé que "la base de la crise est l'absence de législation vu la corruption de la classe politique. En effet, ajoute-t-il, la crise environnementale et celles de tous les autres secteurs et leurs conséquences ont conduit à la dispersion du cadre réglementaire et législatif. L’application de la loi est absente parce qu'il n'y a pas de capacité à l'appliquer vu l'impunité, en plus du conflit de pouvoirs entre les ministères et départements concernés », notant que « la logique de gestion des affaires au Liban est liée au clientélisme et aux intérêts partisans, qui cachent la logique de gouvernance dans le traitement des dossiers. »
Sleiman a parlé de la nécessité de commencer à mettre en œuvre le système de coût-consommation, qui réduirait la consommation aléatoire, ce qui aurait une influence positive sur la résolution de toute crise que nous subissons, de l'énergie aux déchets.
L'expert en déchets solides au PNUD, l'ingénieur Rami Nassif, a souligné la nécessité de définir les responsabilités, surtout que nous souffrons d'ingérences politiques flagrantes dans tous les secteurs. Nassif a estimé que les expertises existent, mais le problème réside dans le financement, comme le prouve l’expérience de la municipalité de Zahlé depuis 20 ans, notant que le financement devrait débuter par une stratégie claire pour éviter tout défaut ou erreur dans la mise en œuvre des traitements.
Le responsable Environnement, au Cabinet de conseil en environnement ELARD, M. Ricardo Khoury, a indiqué que le retard dans la promulgation de la loi relative aux déchets solides entre les années 2005 et 2018 est inacceptable, et que les responsables de ce retard doivent en rendre compte.
Khoury a parlé des problèmes dont souffre le secteur, de la centralisation de sa gestion à l'absence d'un mécanisme clair dans la prise de décisions et la nécessité d'un nouveau contrat social avec le manque de confiance entre le peuple et l'autorité, qui paralyse tout processus de développement et d'amélioration. En effet, ajoute Khoury, les gens doivent être impliqués dans la prise de décision et la mise en œuvre avec une transparence claire. Khoury a souligné aussi la nécessité d'impliquer le secteur privé dans la résolution de la crise, car il est actif et capable d’agir, en plus d'une solution importante, qui est le recouvrement des coûts.
L'expert en gestion des déchets solides et stratégies industrielles, et l’Enseignant Chercheur, à la Faculté des Sciences de l’USJ, Dr Dominique Salameh, a souligné dans son intervention qu'il n'est pas possible de séparer l'énergie, l'eau, la nourriture et autres du dossier des déchets solides. « Avant d’entamer le traitement des déchets solides, précise Salameh, nous devons commencer par la politique et ensuite élaborer une stratégie et promulguer des lois pour enfin commencer à planifier le traitement du dossier des déchets solides. »
Salameh a souligné l'importance du rôle des ministères de l'Environnement, de l'Industrie, la Santé et à l'Intérieur dans le traitement des déchets solides, comme cela se produit dans les pays développés. Il y a des responsabilités communes à partager avec la société civile, les municipalités et les citoyens.
En ce qui concerne le traitement des déchets et son coût, Salameh a parlé du principe de son traitement, considérant que les déchets eux-mêmes ne sont pas un problème, mais plutôt leur prolifération et leur accumulation, et à partir de là, nous devons élaborer un plan complet de traitement des déchets, et savoir quel type de déchets doit être traité.
Le président du conseil de l’ordre des médecinsCharaf Abou Charaf, a parlé dans une brève intervention des déchets médicaux et de la manière de les traiter, soulignant la nécessité d'une coopération entre tous, en plus de la sensibilisation afin de commencer à trier à partir de la source. Abu Charaf a suggéré de motiver les municipalités à travailler en se basant sur l’expérience réussie dans le dossier de l'épidémie de Corona entre le ministère de la Santé, le Syndicat médical et les municipalités.
Dans son intervention, le doyen de la Faculté des sciences (FS) de l'USJ, le Pr Richard Maroun, a estimé que la volonté politique n’est pas présente dans le traitement des déchets. Les décharges sont devenues sectaires et régionales, soulignant l'importance du rôle des universités à participer aux études et à faire face à la crise des déchets, que, « si nous les utilisons correctement, nous pouvons en bénéficier financièrement », citant des exemples de ce que la FS et ses étudiants réalisent à cet égard.
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