L’ « intense émotion», qui a envahi le Professeur Salim Daccache s.j., le jour où Madame Anne Grillo, Ambassadrice de France au Liban, lui avait annoncé que le Président de la République française Emmanuel Macron, a décidé de le nommer au grade de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur, en reconnaissance de son engagement sans limites pour le dialogue interreligieux, l’éducation, la francophonie et l’édification d’un État citoyen, moderne et inclusif, a secoué aussi ceux et celles qui ont entouré le recteur de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ), le mardi 19 avril 2022, à la cérémonie de remise des insignes à la Résidence des pins.
Devant les parents et les amis du Pr Daccache, du père Michaël Zammit, supérieur provincial de la Compagnie de Jésus, de religieuses et religieux, des collègues de travail de l’Université, des recteurs d’universités et des personnalités du monde de l’éducation, de l’Ambassade de France et de la société civile, Mme Anne Grillo a loué un homme "de conviction et de dialogue, au service d’un Liban multiconfessionnel, uni et apaisé", un homme qui a su appliquer les principes de la pédagogie jésuite à la promotion d’une éducation de qualité et d’excellence. Ami de la France, ajoute Grillo, le Pr Daccache est un farouche défenseur de l’éducation francophone, porteuse d’universalisme et de valeurs partagées entre les peuples du monde. Mme Grillo s’est de même attardée sur le parcours du recteur de l’USJ et son combat inlassable pour la promotion du dialogue islamo-chrétien, notamment à travers l’organisation de la première célébration interreligieuse de l’Annonciation, au collège Notre-Dame de Jamhour.
Une cérémonie en l’honneur du Pr Daccache, certes, mais aussi de la présence active et décisive des jésuites dans l’histoire libanaise. « Je suis particulièrement touché d’être aujourd’hui, affirme le recteur de l’USJ après avoir reçu les insignes de la Légion d’honneur, en ce salon historique qui a vu en 1920 la proclamation de la création de l’État du Grand Liban. L’un de nos pères jésuites, le P. Lucien Cattin, occupant la place no 41, participait à cet évènement sur le perron de la Résidence non loin du général Gouraud. Je voudrais voir en cette médaille une association à la célébration, toutefois manquée, du premier centenaire, non point pour s’en prévaloir mais pour continuer la lutte pour le renouveau de notre État libanais. »
Dans le message qui accompagnait l’annonce de cette distinction il était dit qu’elle a été remise « pour le rôle moteur dans le maintien et le développement d’établissements d’enseignement scolaire et universitaire francophones au Liban, ainsi que l’engagement en faveur du dialogue interreligieux et d’un Etat libanais non confessionnel ». Il se trouve qu’en assumant ce rôle dans ces trois domaines et peut-être dans d’autres, « je n’étais jamais seul, ajoute Daccache. Nombreux et nombreuses sont ceux et celles avec qui j’ai travaillé et réalisé ce que j’ai pu faire, à l’Université, à l’Hôpital Hôtel-Dieu de France, à Jamhour, à la Faculté des sciences religieuses, à la Maison d’Editions al Machreq et dans nombreuses associations comme Gladic, le Groupement libanais d’amitié islamo chrétienne, où j’étais et demeure assez actif. Je peux dire qu’ils ont enrichi mon histoire personnelle et contribué à rendre mon investissement passionné, engagé et même militant. »
Dans son discours, le Pr Daccache a énuméré la longue liste de ceux et celles qui ont fait de lui l’homme, l’éducateur et le citoyen que la Légion d’honneur offre en modèle. Ses premières pensées émues et fières, vont particulièrement à ses parents regrettés, Mahboubé et Géries, « qui nous ont inculqués, ajoute-t-il, à moi l’aîné et à mes trois frères les valeurs du travail bien fait, de la considération des biens petits et grands, de l’honnêteté, du respect d’autrui, de l’amour du pays, de la modestie, de la fidélité comme foi dans le Transcendant et confiance en soi et en autrui. Ces valeurs solides m’ont formé à la dure et m’ont guidé vers la Compagnie de Jésus où j’ai grandi grâce à l’affection et à l’accompagnement de plusieurs de mes compagnons, maîtres et pères, que ce soit à Beyrouth ou à Paris (…). Avec intelligence, ils ont su canaliser mon énergie tout en favorisant ma curiosité, mon esprit d’entreprise et ma créativité. »
« Mon hommage s’adresse aujourd’hui encore une fois, poursuit Daccache, à celle qui m’a appris les rudiments de la langue arabe et française, la regrettée Lucie Boueiry, mon institutrice, devenue Sœur Lucie, ainsi que la composition des bouts de phrases en arabe et en français, le calcul de base. Mme Formose Neaïmé dans les classes du primaire supérieur me donna le goût de la lecture et de la narration, me rappelant sa bienveillance et ses corrections modèles dans le genre. Ensuite à Ghazir, comment ne pas penser à des maîtres comme Naïm Saadé, puis Farid Mourad et tant d’autres comme ce dernier, qui par son initiation au latin et aux puissants auteurs français, c’est une réelle ouverture qui s’est amorcée vers les valeurs humanistes et universelles qui m’ont mené à être élu plusieurs fois rédacteur en chef du journal mural de la division des Moyens et des Grands élèves. »
«Cette médaille qui fait notre fierté à toutes et à tous, réitère-t-il, je la dédie aux maîtres, aux camarades, aux combattants d’hier qui m’ont façonné durant les années 1960 à Ghazir et 1970 à l’USJ à Beyrouth où j’ai accompli ma licence ès lettres en philosophie et m’ont donné l’arsenal que je possède, en plus de deux années à l’Université libanaise où j’ai suivi deux années en sciences politiques, mais combien fructueuses me permettant, comme lors de mon passage au journal Lissan ul Hal faisant ainsi mes premières armes de journaliste, une ouverture au monde des idées universelles de tous genres y compris l’arabisme nassérien, le marxisme et surtout connaître le partenaire avec qui je vis mon appartenance à la même nation. Je dédie cette médaille aux amis et collègues, vice recteurs, doyens, hommes et femmes de l’USJ, aux combattants des bons soins pour la santé à l’Hôtel-Dieu de France, avec qui je partage au quotidien les joies de l’éducateur et de la bonne gouvernance, mais aussi les défis du magis et de l’excellence, ainsi que les peines des moments actuels, justement pour faire des difficultés des opportunités de continuité de notre mission éducative, sociale et humaniste. »
De sa mission éducative, que ce soit à Jamhour ou à l’Université, régi par la pédagogie jésuite, le recteur retient la nécessité de prendre soin de chacun (cura personalis) et d’être à l’écoute de son esprit et désirs. « La célèbre intuition « l’élève et l’étudiant est notre raison d’être » s’inscrit dans ce mouvement, précise-t-il, elle n’est point un slogan mais un projet au cœur de l’enseignement et de la formation en tous domaines assurés par l’institution, inculquant à chacune et à chacun les compétences des Lumières, c’est-à-dire le sens de la méthode, de la liberté mais de la responsabilité, de la discipline, de la patience, de l’esprit critique, de la reddition des comptes et des priorités, la maîtrise des langues en général et du français en particulier comme un guide à l’accomplissement linguistique. »
Cette éducation, en deuxième lieu, ajoute le recteur, est sociale « dans le sens où d’une part, c’est une élite intellectuelle que nous avons à former, sans en regarder l’origine sociale, religieuse ou régionale, mais seulement l’aptitude de l’apprenant à se dépasser pour se réaliser au service de son propre projet de vie, de sa famille et de sa nation. Sociale, car avoir les moyens pour aller à l’école, demande, dans un cadre privé mais hautement d’utilité publique, un fort esprit de solidarité qu’il faut traduire par la constitution d’un réseau de donateurs qui, en donnant, deviennent de vrais citoyens responsables d’une même nation. Il va sans dire que la crise morale, politique et financière de nos jours pèse aujourd’hui lourdement sur la continuité de nos missions et institutions humanistes, donc j’appelle à plus de solidarité et de rassemblement autour de leurs nobles objectifs. »
Les engagements et les missions du recteur de l’USJ, qui se résument par la tendance d’aller vers la rencontre de l’autre différent, à travers le travail intellectuel, le dialogue interreligieux et la francophonie libanaise, en plus de ses violons d’Ingres, la photographie, la musique classique, religieuse et orientale, l’études des mystiques orientaux, la traduction entre les langues, ont tous eu un point commun, selon Daccache, celui de « changer le regard sur l’autre donc sur soi-même comme un autre, être à l’aise avec sa propre personne et en même temps anxieux pour être à la hauteur des attentes. Pour atteindre ces buts, mes quatre fils conducteurs de vie se sont entrelacés continuellement, tissant trois couleurs dont deux qui nous sont communs le blanc et le rouge, ainsi que le bleu embrassant le cèdre vert, « une communauté de racines » dirais-je, voire une tresse républicaine souple et bien solide dédiée aux autres. J’ai à cœur de partager ces éléments fondamentaux de ma propre construction avec ferveur et joie. »
« Je m’engage, Madame l’Ambassadrice, à poursuivre ce chemin avec force, empathie et détermination, dans les limites du temps et de l’énergie », conclut Daccache.
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Mot du Professeur Salim Daccache s.j.
Mot de Madame Anne Grillo, Ambassadrice de France au Liban
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