"The Bathtub" : un autre emblème de la simplicité dans la forme au cinéma

Ribal Chedid
Lundi 24 janvier 2022
Organisateurs

Lauréat du “Prix Spécial du Jury” au 38e Festival International du Court-Métrage de Clermont-Ferrand en France, The Bathtub (Titre allemand : Die Badewanne) prouve encore une fois que la simplicité dans la forme au cinéma peut mettre en avant des dynamiques dysfonctionnelles et des personnages complexes d’une manière exceptionnelle, assez différente des autres formes et structures cinématographiques. 

Réalisé en 2016 par Tim Ellrich, ce film austro-allemand met en scène Niklas (Stefan Pohl), Georg (Rainer Wöss) et Alexander (Simon Jaritz), trois frères adultes, qui essaient de recréer une photo de leur enfance dans la baignoire de leur domicile familial comme cadeau pour le 60e anniversaire de leur maman. Mais cette initiative s’avère plus compliquée que prévu. Entre souvenirs, rires, et cris, le passé resurgit, et la dynamique dysfonctionnelle s’intensifie entre les frères qui essaient coûte que coûte de prendre cette photo dans l’espace restreint de la salle de bain. 

Dans un huis clos, l'action se déroule en un lieu unique, dont les personnages ne peuvent sortir. Ce qui distingue le huis clos de Ellrich est son choix radical de tourner son film en une seule longue prise, sans couper (mot technique : plan séquence). En effet, c’est ce procédé cinématographique qui est à l’origine de la simplicité dans la forme de ce court-métrage. À mon avis, il n’aurait pas fonctionné autrement. Le film est tourné du point de vue de la caméra que Niklas installe sur un support fixe au début pour recréer leur photo d’enfance. Omnisciente, elle les observe tout au long du film, et est l’intermédiaire entre le spectateur et la salle de bain, comme si on assistait à une pièce de théâtre. Dans ce cas, le plan séquence permet au réalisateur allemand de préserver l’authenticité de l’action et de ses personnages, et de renforcer l’aspect brut et réel de son film. On voit les personnages, nus physiquement et métaphoriquement, et le plan séquence accentue cette dimension. Le dynamisme intérieur mis en place durant l’intégralité du film, que ce soit par la disposition des acteurs dans cette salle de bain verdâtre, les dialogues en hors-champ ou les moments de silence, rajoute à la fonctionnalité du procédé cinématographique adopté. 

D’autre part, le huis clos constitue un terrain idéal pour focaliser l’attention du spectateur sur la complexité des personnages et les relations qui les unissent et/ou les divisent. Lorsque la forme du huis clos est simple, elle peut venir en contraste avec cette complexité dans le contenu. The Bathtub réussit, par excellence, à créer un contraste très intéressant à mon goût entre sa forme simple et son contenu complexe. Durant environ 13 minutes, on assiste aux fluctuations de ces personnages entre rires et crises de colère. Plus le film avance en termes de minutes, plus la censure émotionnelle entre eux s’estompe, plus ils deviennent vulnérables. Cela est d’ailleurs transmis physiquement par l’acte de se déshabiller, et l’acte de plonger dans la baignoire, et ce sont ces simples actes qui nous permettent de ressentir la complexité des personnages. Georg, l’aîné, se déshabille avec plein de difficulté, et plonge dans la baignoire avec beaucoup d’hésitation, pour en sortir brusquement quand la situation devient très intime. En contrepartie, Niklas et Alexander se déshabillent très facilement, et plongent tout de suite dans la baignoire. 

Sélectionné dans plus de 200 festivals de films internationaux et lauréat de plus de 60 prix, The Bathtub est admirable pour sa capacité à captiver l’esprit par sa simplicité et son traitement original. Tim Ellrich est prometteur, et j’ai hâte de découvrir ses futurs projets.  

 

Le film est disponible sur les plateformes suivantes :