Par Anne-Marie El-Hage, in L'Orient - Le Jour, lundi 21 juin 2021.
La doyenne de la Faculté des sciences infirmières de l’USJ a raflé 966 voix sur 1 367. Son adversaire malheureux, Ahmad Tassi, de l’Université arabe de Beyrouth, n’en récolte que 230.
L’ordre des infirmières et des infirmiers au Liban s’est doté d’une nouvelle présidente, Rima Sassine Kazan, doyenne de la Faculté des sciences infirmières de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, pour un mandat de trois ans non renouvelable. La nouvelle présidente de l’ordre a remporté haut la main le scrutin avec 966 voix sur un total de 1 367 votants. Elle remplace la présidente sortante Mirna Doumit, dont le mandat avait été prolongé de deux ans pour cause de confinement lié à la pandémie de Covid-19. Son rival malheureux, Ahmad Tassi, assistant professeur à l’Université arabe de Beyrouth (BAU) au sein du département des sciences infirmières de la faculté des sciences de la santé, n’a obtenu que 230 voix.
C’est à l’issue d’un scrutin sans surprise, marqué par un taux élevé d’abstention, que les résultats ont été annoncés, hier, au siège de l’ordre des médecins à Beyrouth. Une abstention liée à la déprime qui touche le milieu infirmier du pays, mais aussi au contexte socio-économique particulièrement mauvais qui a empêché les votants de se déplacer (salaires qui ne valent plus rien, pénurie d’essence, épuisement lié à la pandémie). Sans oublier la faible affiliation des professionnels à l’ordre. Sur quelque 17 000 infirmières et infirmiers, seuls 8 000, ayant réglé leurs cotisations annuelles, sont autorisés à voter, selon les estimations des deux candidats.
Une présidence traditionnellement tournante
Les élections étaient donc jouées d’avance. Car, traditionnellement, les quelques grands hôpitaux universitaires du pays se partagent une présidence connue pour être tournante, et qui n’est accordée qu’à des candidats répondant à des critères universitaires et professionnels bien définis. Cette année, après le Centre médical de l’Université américaine de Beyrouth (AUBMC) et celui de la LAU de l’hôpital Rizk, c’était au tour de l’Hôtel-Dieu de France, hôpital universitaire de l’USJ, de voir sa candidate consacrée par la profession. Une coutume que confirme Ahmad Tassi qui aurait souhaité voir « l’Université arabe de Beyrouth jouer un rôle dans les élections de l’ordre ».
Il n’en reste pas moins que les partis politiques n’ont pas manqué de se mêler à la course à la présidence de l’ordre. Rima Sassine et sa liste ont été soutenues par le Hezbollah, le Courant patriotique libre et les Forces libanaises. Quant au candidat malheureux, soutenu dans un premier temps par le courant du Futur et le mouvement Amal, il s’est retrouvé abandonné à la veille des élections. « Ils se sont retirés de la course samedi soir », regrette-t-il. Ce qui ne l’a pas empêché de continuer la bataille, « par esprit sportif » et pour « le jeu démocratique », et même de « féliciter son adversaire ». Notons que l’événement a également permis l’élection de membres du conseil de l’ordre, du Conseil de discipline et de la Caisse de retraite. Les deux candidats, tous deux détenteurs d’un doctorat en sciences infirmières, revendiquent toutefois leur indépendance des partis politiques. « Je me situe à égale distance de tous les partis politiques, dans un ordre professionnel au sein duquel nous espérons mettre en valeur les compétences des candidats, et non pas leur appartenance politique », affirme à L’Orient-Le Jour Rima Sassine qui peut aussi compter sur une expérience en tant que vice-présidente de l’ordre. « Je n’ai jamais fait partie d’un parti politique. Je me suis présenté au sein d’une liste indépendante pour faire bénéficier la profession de mes compétences », souligne de son côté Ahmad Tassi.
Retenir le personnel infirmier
De part et d’autre, les deux candidats ont donc mis en exergue leur désir d’œuvrer pour le bien de la profession dans un pays qui assiste avec apathie à un exode sans précédent de son personnel infirmier. « Depuis 2019, selon les statistiques préliminaires, plus de 1 300 infirmiers et infirmières ont quitté le pays, vu la dégradation de leurs conditions de travail », déplore Rima Sassine. Une réalité qui, sans être nouvelle, s’accélère dramatiquement, le Liban étant depuis de longues années un pays exportateur de personnel soignant vers les pays du Golfe, l’Europe, le Royaume-Uni et même les États-Unis. C’est dans ce cadre que la présidente élue entend œuvrer à « retenir le personnel infirmier au Liban » en améliorant aussi bien les conditions de travail que la qualité des soins. Parallèlement, Mme Sassine a pour objectif de « mettre en place des critères d’évaluation de l’enseignement universitaire et technique des sciences infirmières, dans un souci de qualité et de compétence ». Elle promet aussi « d’impliquer le corps infirmier dans les politiques sanitaires du pays, vu le rôle important qu’a joué le personnel infirmier dans la crise de Covid-19 ». La nouvelle élue veut enfin « identifier les besoins et les attentes des infirmiers et infirmières en milieu rural ».
Mais elle devra faire avec la démotivation des troupes, vu l’ampleur de la crise. « Je suis consciente de la tâche qui m’incombe, assure-t-elle. Je garde espoir d’apporter un changement positif à la profession. »