Outre son rôle de filtre anti-toxines, le placenta est, in utero, l’équivalent du poumon fœtal : cette « éponge » de 500g, gorgée de sang, fournit les nutriments et l’oxygène nécessaires au développement du fœtus. Trente minutes après l’accouchement, ce tissu foeto-maternel est expulsé en se détachant de l’utérus, après quoi – dans la quasi-totalité des hôpitaux – il est incinéré à titre de déchet opératoire.
Si la plupart des êtres humains en sont dégoûtés, la majorité des mammifères ingèrent leur placenta après mise-bas, estompant les traces de l’accouchement. Bien qu’il soit difficile de tracer exactement l’origine de la placentophagie humaine moderne, la littérature médicale renvoie aux années 70.
Néanmoins, cette pratique contemporaine a dernièrement gagné en popularité et s’est surtout répandue dans le monde des célébrités. Kim Kardashian a opté pour le processus d’encapsulation de son placenta – très en vogue aux Etats-Unis – que d’innombrables compagnies s’acharnent à exécuter : après séchage et broyage, le placenta est mis en gélules et prêt à être consommé. Quant à Gaby Hoffmann ou Hilary Duff, elles en ont mixé un fragment dans un smoothie.
Les recettes ne s’arrêtent malheureusement pas là ! Le grimoire “25 Placenta Recipes - Easy and Delicious recipes for cooking with placenta!” grouille de mets crus/cuits à la disposition des placentophages…
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Les mammifères sont placentophages
Parmi les arguments en faveur de cette pratique, on retrouve, outre le symbolisme, celui du retour à la nature : l’homme est en fin de compte un mammifère.
Il serait intéressant de rappeler les différences qui résident du point de vue physiologie reproductive sans compter les différences comportementales majeures : les femmes ont la muqueuse utérine la plus épaisse de tous les mammifères, impliquant un placenta agressif – puisant suffisamment en profondeur pour s’approvisionner en sang – contrairement aux autres mammifères dont le placenta moins invasif découle d’utérus de différentes configurations. A noter que baleines et dauphins ne consomment pas leur placenta.
Sur ce, je me réfère aux propos de Dr. Jen Gunter, gynécologue-obstétricienne canadienne : « Imagine if your gastroenterologist suggested eating grass for an upset stomach because cats do it ? »
Est-ce bénéfique ?
La placentophagie aurait, dit-on, des vertus pour lutter contre les douleurs, la fatigue, la dépression post-partum (après l'accouchement) et stimuler la lactation.
Nombreux spécialistes n’y croient pas : les chercheurs ont averti que cela pourrait découler de l’effet placebo suffisamment sous-estimé !
Il n'existe effectivement aucune preuve scientifique attestant les mérites cliniques de cette galette magique chez l'être humain : aucun nutriment placentaire n'est retenu en quantité suffisante pour être utile à la mère post-partum.
Le véritable problème réside encore une fois dans le fait que l’on a tendance à accorder beaucoup de valeur aux données anecdotiques, sans parler du délire de croire tout ce qu’on lit sur les réseaux sociaux sans se référer à des sources fiables.
Est-ce inoffensif ?
Les risques sont sérieux et bien réels. Les placentas sont souvent colonisés par des bactéries. Selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies aux Etats-Unis (CDC), le processus d’encapsulation ne permet pas d’éradiquer les germes pathogènes.
En 2017, il met en garde les adeptes de cette pratique après avoir rapporté un cas de septicémie néonatale dû au Streptocoque du groupe B véhiculé lors de l’allaitement par la mère consommant des gélules de placenta contaminées.
Le post-partum est un tournant majeur après la grossesse. Si vous cherchez à promouvoir votre santé post-partum, adressez-vous à un spécialiste de santé et posez vos questions. Savoir est votre droit. La curiosité et l’innovation, basées sur des fondements chétifs sans preuves valables, s'avèrent être des défauts funestes. Mieux vaut ne pas s'aventurer, futurs parents, dans cette pratique douteuse et controversée.