Je haletais à pleins poumons. Je déposai ma petite valise. Je sortis mon peigne, ma brosse à dents, mon eau de Cologne et un lit de nuages.
Mon autre moi me dit : Ne te souviens-tu pas de cette nuit avec l’étrangère ?
Je dis : J’oublie que je me souviens.
Il dit : Ne te souviens-tu pas du miel sur les genoux de cette étrangère ?
Je dis : Je me souviens d’une fleur d’amandier sur un drap blanc et d’un colibri.
Il dit : Dans ton rêve, tu marchais pieds nus dans une forêt de cèdres. Tu hésitais entre l’appel de la jument et de la gazelle. Elles n’avaient pas de temps à perdre pour la parade nuptiale. Elles tapèrent du sabot et disparurent dans la blancheur de la nuit.
Je dis : Je me souviens avoir croisé Enkidu et Gilgamesh après leur terrifiante bataille. Ils revenaient d’un long voyage d’Uruk en terre babylonienne les mains ensanglantées. Est-ce un songe ou un réel ?
L’autre moi : Le songe guide le réel. Sans le songe, le réel désistera dès la chute d’une première étoile. Comme toi et moi, ces deux consciences dans un corps ou deux corps.
Moi : Si je comprends bien, le songe est au réel ce qu’est la graine au moineau ?
L’autre moi : Oui, ils se tiennent par le bec.
Mon dehors retrouvait sa place initiale dans mon dedans.
Parfois, il m’arrive de me dédoubler comme le chant d’un Ney qui se scinde des cordes de l’instrument.