J’ai créé une fondation qui s’appelle “La Fondation Ghazal pour l’Éducation, la Recherche et la Paix au Liban”. Cette Fondation a deux objectifs :
Il faut soutenir l’éducation parce que le plus grave c’est quand les jeunes n’auront plus d’autres horizons que le départ et la migration. Quand ils voient que leur horizon est bouché au Liban ils ne pensent pas avoir d’autre issue que de partir. Donc il faut soutenir l’éducation, et la soutenir au Liban même. Il serait absolument triste de devoir partir à l’étranger pour bénéficier du niveau nécessaire pour pouvoir accéder au marché du travail. Je le vois de moi-même, je suis parti en 1973 et je suis encore en France. Il est vrai que j’aurai pu revenir: du temps du Père Ducruet - et c’est grâce à lui que j’ai eu une bourse - j’avais un poste qui m’attendait à l’université pour revenir et enseigner à l’USJ. Mais voilà! Une fois partis, combien de jeunes reviennent ?
L’éducation c’est la clé des jeunes, ce sont les jeunes qui vont constituer le pays de demain. Quel est avenir on leur donne-t-on aujourd’hui? Il faut qu’ils sentent qu’ils ont encore une place, qu’ils peuvent encore jouer un rôle dans ce pays. L’éducation c’est la 1ère marche, ainsi que la famille. Ensuite, la famille est là pour leur tendre la main afin qu’ils poursuivent leurs études.
Pourquoi l’USJ ? Parce que c’est là où j’ai fait mes études en sciences économiques. Il est vrai que je faisais des études en droit à l’université libanaise en parallèle et en même temps. Mais lorsque j’ai voulu faire un doctorat qui ne pouvait pas se faire au Liban (et je le méritais car j’étais major de ma promotion), le Père Ducruet a œuvré pour que j’obtienne une bourse du gouvernement français. J’ai obtenu une des cinq bourses disponibles pour faire mon doctorat à Paris. Donc il y a un retour! Mes parents, qui étaient dans une mauvaise situation économique, nous disaient à tous – nous étions 5 et le sommes encore - que c’était le seul héritage qu’ils pouvaient nous léguer: nous donner le moyen d’aller faire des études et nous donner un avenir.
La mission de l’USJ est unique : personnellement, mon premier contact était avec le service social que je considère être très bien structuré. […] Et puis évidement ensuite il y a eu la création de la Fondation USJ qui est une excellente chose. J’ai réalisé en écoutant Carmel au moment où cette fondation était en train d’être mise sur pieds que l’USJ se rendait compte qu’il y avait beaucoup d’anciens, beaucoup de personnes qui voulaient bien donner à l’USJ et s’engager dans les missions sociales et éducatives de l’USJ. Donc, il y a la Fondation mais aussi d’autres initiatives qu’a prises l’USJ comme l’Opération 7ème jour qui est une superbe initiative. D’ailleurs, je l’ai soutenue il y a eu deux ans également parce qu’il y avait une mission particulière qui se rapprochait de la paix. Tout ceci fait qu’aujourd’hui, l’USJ peut être fière d’être sur le bon chemin
…Moi je suis de nature très reconnaissante et très fidèle… Je suis fondamentalement reconnaissant de la bourse qui m’a été attribuée en 1973, sans laquelle je n’aurai jamais pu quitter le Liban. Mes parents étaient de condition économique modeste et je n’aurai jamais eu la trajectoire personnelle et professionnelle que j’ai eue sans accès à cette bourse. Oui j’ai eu une certaine réussite […] je le dis aujourd’hui: tout ce que j’ai gagné, je ne l’ai jamais volé, je l’ai gagné, j’ai travaillé et j’ai bien gagné ma vie. Tout ceci m’a donné envie de redonner un peu en créant justement une fondation qui était complétement orientée vers mon pays d’origine au niveau de ses objectifs. Quand on reçoit, il faut savoir donner en retour. Il faut savoir donner sans attendre de retour. Ça c’est le vrai sens du don, de la générosité. J’ai appris le sens de la générosité avec mes parents, ils avaient peu de moyens mais ils étaient prêts à partager ce qu’ils avaient. Je le vois depuis que je suis petit. On est quand même impacté par nos parents d’une certaine manière et ceci a certainement joué un rôle chez moi.
… J’ai quitté le Liban en 1973, […] et crée la fondation en 2012, ça ma reconstruit un lien avec le pays. J’ai aujourd’hui une salle qui est à mon nom à l’USJ. C’est un moyen qui ancre avec force mon lien avec l’université et pas seulement avec l’université mais avec mes propres racines. C’est le lien avec mon identité, je suis franco-libanais. Elle symbolise un attachement réciproque. Je vous avoue que quand le recteur Daccache me l’a dit j’ai éprouvé une certaine fierté j’ai beaucoup d’émotions et surtout j’ai eu beaucoup de gratitude à son égard. Cela m’a énormément touché quand il m’a dit qu’il allait le faire. Je sais que je suis une partie intégrante de la famille même si je ne vis pas au Liban. La plaque est là, je la vois, c’est une fierté et a suscité beaucoup d’émotion. Au départ c’était le salon du recteur et puis c’est devenu la salle destinée à la formation continue.
Chaque fois que je viens au Liban pour le prix de la paix en décembre, le service social m’organise une réunion avec les boursiers. Je discute avec eux, on parle de leurs projets etc. Par l’intermédiaire de ma fondation en France, mes boursiers savent qu’ils peuvent venir en France et que je continuerai à les soutenir et donc tous les ans, j’ai 2 ou 3 étudiants. Chaque fois que je rencontre mes boursiers et chaque fois qu’ils m’expriment leur reconnaissance je leur dis que la meilleure manière de me dire merci est de faire comme moi un jour, s’ils le peuvent! […] Dans mon entourage, évidement j’en ai parlé et je continue à en parler. A ma connaissance il y a au moins 2 personnes qui ont fait des dons à la fondation et j’en suis ravi et j’espère qu’il y en aura d’autres. Il n’y a rien qui apporte plus de satisfaction que de donner, le don et le partage sont de véritables sources de satisfaction.
J’en suis très heureux. Cela me fait chaud au cœur de sentir que j’aide tous ces étudiants. J’ai acquis la conviction qu’au-delà des proches, de la famille et des parents à qui on peut donner […] il y a aussi la grande famille de l’humanité qui nous lie tous. Quelque part j’ai pris conscience de cela et ça me fait grand plaisir. Je suis heureux de dire que je donne à l’humanité au-delà de moi et personne ne le sait. Quand on donne sans attendre de retour, on reçoit quand même quelque chose et ce quelque chose, c’est notre estime de soi qui augmente. Je pense que c’est le plus grand cadeau qu’on peut se faire à soi-même, c’est d’agrandir notre estime de nous-même.